Pas très loin du point d'eau, il y avait une formation rocheuse. Un amas de grosses pierres plates – parfaites pour s'étaler et faire la sieste ! Elles absorbaient toute la chaleur du soleil quand il les dardait de ses rayons; sans doute parce qu'elles étaient noires comme la nuit. Thulrur ne connaissait pas ces roches; mais il les aimait déjà. Pourtant, il n'était pas là pour faire la sieste, aujourd'hui : il était là pour veiller. Il sauta agilement de pierre en pierre — bien plus agilement que sa masse l'aurait suggéré — jusqu'à se placer sur la dernière plateforme, celle la plus en hauteur. Même de là, il n'atteignait que la moitié d'un arbre, mais c'était bien plus haut que le niveau du sol.

Il s'assit bien droit, la queue enroulée autour des pattes, le regard vigilant et tourné vers l'avant; comme lors de ses nuits de garde au Repos. Sa tour de guet naturelle lui offrait un point de vue privilégié : les arbres étant de plus en plus épars à mesure qu'ils progressaient, il avait presque une vue dégagée sur les environs. Il ne savait pas ce qu'il attendait; n'importe quoi, en fait, qui pourrait lui donner un indice sur ce qui se cachait au-delà du campement.

Et, en bonne sentinelle, il veillait à ce qu'aucun danger ne les prenne par surprise. Il serait le premier à avertir les autres si quelque chose d'inhabituel se produisait...

Le tableau lui sembla si parfait qu'il avait longuement hésité à le perturber de sa présence, observant silencieusement le montagnard trônant au sommet de la roche noire, paraissant plus que jamais à sa place. Mais le soupçon l'avait poussé à s'avancer malgré tout, car le doute qui était né lors de sa discussion avec Theluji ne l'avait pas quitté et retrouver Thulrur à guetter ne lui permettait pas non plus de l'oublier. Maintenant qu'ils se connaissaient mieux, une partie de lui restait persuadé que ça n'aurait pas dû être si facile de le convaincre de ne pas veiller toutes ces nuits au Repos, comme l'autre ne pouvait croire qu'il aurait été capable de lui mentir.

Ienzo avait grimpé les pierres de quelques bonds légers, s'arrêtant au pied de la dernière pour souffler d'une voix habituellement douce, couvrant ainsi la suspicion derrière la simple question. Tu reprends tes habitudes ? Il pencha la tête sur le côté, l'ombre d'un sourire flottant au coin de ses babines. Mais quand bien même le montagnard lui aurait menti, il savait déjà qu'il ne pourrait pas lui en vouloir, ou pas longtemps, dans tous les cas. Cette quête de vérité n'était réellement qu'un prétexte pour s'assurer que Thulrur profite de leurs jours paisibles comme il le devrait.

En posant l'une de ses antérieures sur la dernière plateforme rocheuse, dressé sur ses postérieures, il demanda implicitement au montagnard la permission de s'installer à ses côtés.

— Disons que je les cultive pour ne pas les perdre, répondit-il à Ienzo en tournant vers lui un sourire. Le simple fait qu'il ait réussi à détourner les yeux du paysage prouvait, à lui seul, que Thulrur n'était plus aussi tendu qu'autrefois. Lui parler pendant ses tours de garde au Repos avait relevé de l'impossible; mais ici, il n'était plus aussi strict à la tâche.

Pour autant, il ne voulait pas perdre ses bonnes habitudes. Au fond de lui, il craignait que cette paix nouvellement acquise après les semaines de stress et de tension aux côtés des Msafara, en plus de leur campement presque idyllique -comparé à ce qu'ils avaient connu dans leur voyage- les ramollissent. Il avait peur de baisser sa garde, de se croire en sécurité pour mieux se faire prendre par surprise par un ennemi invisible. Kambi était si parfait qu'ils pourraient presque tous décider de s'y installer pour de bon; après tout, tel n'était-il pas le but des nomades ? Trouver un endroit où se sédentariser et commencer à s'établir durablement, en tant que clan ? Pourquoi ne pas s'arrêter là, dans ce cas ?

En fait, il ne leur manquait qu'un troupeau de grandes proies... et l'espoir, sûrement illusoire, que personne ne viendrait les déloger de là. Car où il y avait proies, il y avait prédateurs.

— Mais il n'y a pas grand-chose à voir, je t'avoue. Il n'y avait aucune trace de passage étranger au campement; sinon, ils ne se seraient pas arrêtés là. Thulrur était donc heureux de recevoir de la compagnie; surtout une compagnie aussi appréciable que celle d'Ienzo. Ils s'étaient toujours si bien compris. Il se poussa un peu sur le côté de la pierre pour laisser de la place à son allié, l'invitant implicitement à le rejoindre.
— Alors, comment tu trouves notre groupe ? Ils avaient quand même fait du beau boulot, tous les deux.

Ne les cultive pas seul, cette fois. Des mots qu'il retint à l'orée de ses babines fendues d'un plus grand sourire, la mine plus tranquille de Thulrur étant une agréable surprise à ses yeux. Après des premiers mois difficiles, les rebelles commençaient à prendre leurs marques, même Cerys qui lui paraissait la plus touchée par cette séparation avait fini par trouver sa place. Quant à lui, il n'avait jamais regretté.

Ses oreilles se redressèrent curieusement à la remarque du montagnard, le quittant des yeux pour tourner la tête vers la forêt. C'est vrai que celle-ci semblait si tranquille que si sentinelles il devait y avoir, elles risquaient presque de s'ennuyer. En prenant un petit élan, le caverneux monta sur la dernière pierre, s'installant doucement à la place que lui avait faite Thulrur. La vue dégagée que leur donnait le promontoire lui donna envie d'inspirer profondément, goûtant à l'air des hauteurs avant d'en vider doucement ses poumons, sous la forme d'un soupir de contentement après la question de son acolyte.

Mieux. Bien mieux. Dans tous les sens possibles. Il n'aurait pas imaginé avoir le droit à un tel dénouement après... Mais je n'aurais rien fait si tu n'avais pas été là. Pour oublier son pincement au coeur, il redirigea son attention sur Thulrur auquel il se mit à sourire avec reconnaissance. Notre groupe... Ienzo n'avait jamais été un acteur, mais il suivait, il était là quand les plus courageux avaient besoin de soutien et ça lui allait parfaitement. Alors tu peux te féliciter pour cette paix. Cette fois, il lui adressa un clin d'oeil taquin, se doutant que le montagnard risquait de ne pas être d'accord pour s'attribuer tous les mérites. Et pourtant, il ne lui aurait rien dit s'il l'avait fait, parce qu'il le voyait réellement ainsi.

Tu fuis la position de chef alors que tu en as les épaules... Mmh, tu ne nous cacherais pas quelque chose, par hasard ? Il ponctua ses taquineries d'un rire léger. Thulrur demeurait entouré de mystères, comme d'autres nomades s'étant greffé à la troupe. Mais il était sans doute le seul qu'il pourrait croire sans hésitation s'il lui révélait une chose pareille. Oui, Ienzo ne serait pas étonné si le lion à ses côtés se révélait être un prince, même un roi.

Si ce Mu'Awiya pouvait être considéré comme un chef par certains, alors pourquoi pas lui.

Ienzo supposait juste: Thulrur ne s'accordait aucun mérite pour la paix qu'ils avaient gagnée. C'était surtout un bon concours de circonstances qui les avait menés là – ils avaient eu la chance que Mu'Awiya laisse Ienzo partir avec Cerys et Nguvu. Ils avaient eu la chance que personne n'ait rien à redire à leur décision commune (très fortement suggérée par Thulrur) de placer Nihahsah à leur tête. Ils avaient eu la chance, encore, de passer un voyage sans heurt, de réussir à se nourrir sur le chemin, de n'avoir pas croisé de bête hostile et d'avoir trouvé un campement viable et inoccupé de prédateurs.

La paix tenait à tout ça. Thulrur avait certes aidé à la cohésion du groupe, mais ça, c'était un mérite qui leur revenait à tous.
— Boaaarf, j'ai surtout les épaules d'un gueulard. Si Ienzo aurait pu toucher un point sensible, il le faisait de manière si habile que Thulrur se laissa berner par ses légers rires. Lui aussi était détendu, apaisé, prêt à se joindre à l'espièglerie de son ami. C'est bien de savoir gueuler quand on n'est pas content, mais c'est pas ça qui fait un chef, résuma-t-il tout simplement. Si ça avait été le cas, alors Mu'Awiya aurait indéniablement fait le candidat parfait.

Et pourtant, Thulrur avait-il tant gueulé que ça ? Si tout le monde avait flairé son mécontentement depuis bien avant leur petite rébellion, il ne l'avait jamais dit à haute voix – pas avant la disparition de Nsiese, en tout cas. Cependant, le comportement de Mu'Awiya avait commencé à le déranger bien des semaines plus tôt, mais il n'avait jamais rien dit, préférant faire sa vie dans son coin sans causer de vagues. Il n'avait agi que quand la situation était devenue réellement critique; à savoir, quand Mu' avait publiquement menacé un gamin. De plus, il ne l'avait même pas confronté. Il s'était contenté de prendre quiconque le désirait avec lui et de fuir le joug qu'avait essayé de leur imposer -en vain- le roi fou. Un vrai gueulard aurait sans doute hurlé bien plus tôt, et combattu pour prendre le pouvoir.

Et Ienzo avait encore raison sur un point; leur cachait-il quelque chose ? Était-ce leur cacher quelque chose que de taire ses origines et la raison de sa présence à Nchi ? Ne se cachaient-ils pas tous des choses ? N'avaient-ils pas tous un passé qu'ils gardaient secret ? Se cacher des choses, était-ce mentir ou était-ce simplement conserver son intimité ? Et était-ce mal ?
Étaient-ils censés tout se dire, sous prétexte qu'ils faisaient partie du même groupe de survivants ? Était-ce les trahir que de survivre pour ses propres convictions ?

Les Uamuzi semblaient unis. Mais se faisaient-ils réellement confiance ? Seraient-ils assez soudés pour faire face à des incidents aussi terribles que ceux qui avaient frappé les Msafara ? Ou bien Thulrur fuirait-il encore, seul s'il le fallait, une fois son objectif atteint... ?

— Ienzo... reprit-il, plus sérieusement. Avec une hésitation qu'on ne lui connaissait habituellement pas. J'ai de la chance, tu sais. Mon clan n'a pas été décimé comme celui des Msafara. Et comme celui de bien des nomades s'y étant greffés par la suite, Ienzo le premier... Mon clan est toujours là, quelque part. Il s'ouvrait peu à peu, mais c'était tout ce qu'il pouvait dire pour l'instant. Son clan. Il était clair, au son de sa voix, qu'il considérait toujours en faire partie.

Les épaules d'un gueulard ? Ienzo secoua doucement la tête, les sourcils légèrement froncés, mais le sourire toujours aux babines. À ses yeux, Thulrur n'avait rien de l'une de ces grandes gueules, surtout pas comme celle de Mu'Awiya dont les belles paroles sonnaient plus vides que des coquillages. Il lui avait montré plus d'une fois qu'il valait mieux que ça et peut-être qu'il en avait même retenu des leçons. Ienzo avait été chanceux que le fou ne cède pas à la colère, quoiqu'il ne regrette pas son choix, il n'oubliera pas le sentiment qui l'avait traversé quand la réalisation l'avait frappé, qu'il pourrait mourir là sans jamais voir le reste du monde, sans jamais trouver sa place ici.

L'hésitation dans la voix de Thulrur le sortant rapidement de ses pensées, il releva la tête et la tourna dans sa direction, un mélange d'étonnement et d'inquiétude au fond des yeux. C'est la première fois qu'il le voyait ainsi et il s'apprêtait à s'excuser, croyant qu'il avait mis la griffe sur une corde sensible, quand le montagnard poursuivit sur sa pensée. Alors, un semblant de tristesse se manifesta dans le regard d'Ienzo, particulièrement à l'entente de l'attachement qu'il gardait pour son clan. C'est vrai... Quelque part, ça devait être rassurant de savoir que sa famille était encore là, saine et sauve dans le meilleur des cas. Mais n'est-ce pas tout autant douloureux de savoir que tu ne pourras jamais y retourner ? Le caverneux n'était pas bavard, mais il écoutait et naturellement, avait entendu l'histoire du montagnard rejeté par son clan du temps où ils étaient des Msafara. Il n'imaginait pas quel déchirement ça devait être pour lui, surtout s'il se considérait toujours comme l'un des leurs. Lui n'aurait sans doute pas eu la bonté de coeur de leur pardonner.

Instinctivement, il approcha une patte du grand lion dans l'espoir de lui apporter du réconfort, même du soutien, mais il hésita dans son geste, n'ayant jamais été tactile qu'avec sa famille et aussi craintif à l'idée que ça soit perçu comme déplacé, avant de finir par la poser délicatement sur son épaule. J'espère que notre présence réussit à te faire retrouver un peu de joie. Souffla-t-il d'une voix douce, l'ombre d'un sourire aux babines.

La sollicitude d'Ienzo lui mettait du baume au cœur; pourtant, elle semblait un peu trop douce, un peu trop peinée aux oreilles de Thulrur. Il avait toujours été particulièrement discret sur ses origines, mais au fil du temps, les rumeurs s'étaient propagées au sein des Msafara – comme pour chaque étranger qui les rejoignait. Les rumeurs s'étaient déformées, modifiées, avaient même parfois été recoupées et mélangées aux histoires d'autres étrangers. Tant et si bien qu'il devait y avoir autant de versions de l'histoire que d’individus nomades à Nchi. Laquelle Ienzo croyait-il ? Qu'avait-il entendu ? Thulrur ne pensait pas que son histoire méritât une quelconque empathie; aucun drame n'avait frappé les Zigil, si ce n'était leur propre entêtement. Aucun drame ne l'avait frappé lui, personnellement, si ce n'était sa loyauté aux siens et son désir de leur offrir une vie meilleure.

Alors, incertain, il n'osa rien dire. Pas la peine d'extrapoler, de toute façon – Ienzo savait qu'il n'était pas le plus bavard. Le doux sourire de son ami se révéla contagieux et, touché par sa tendresse, Thulrur aussi se mit à sourire faiblement. Il avança doucement sa tête vers celle du caverneux dans un headbutt presque fraternel.
— Vous êtes d'excellents compagnons, lui répondit-il sincèrement. Il n'aurait pas pu rêver meilleur groupe d'aventure. Et toi le premier. Il retira sa grosse tête et se remit à contempler les alentours, histoire de ne pas oublier sa tâche du jour. Mais franchement, sa tour de guet n'était pas assez haute pour lui offrir un réel point de vue. Il n'y avait que des arbres, de petits rochers noirs, de l'herbe jaunie... Rien de neuf à Kambi.

— J'espère aussi que... reprit-il après une petite pause, avec, encore une fois, de l'hésitation dans la voix. ... je suis un bon ami... ? Ça sonnait plus comme une question qu'autre chose, même si ce n'était pas intentionnel. Si Ienzo savait lui apporter son soutien, était-il capable de lui rendre la pareille ? Il savait qu'il était parfois bourru et indélicat, mais il faisait de son mieux pour s'intégrer au milieu des autres Uamuzi. Et pourtant, il ne pouvait s'empêcher de s'interroger : son pragmatisme sonnait-il comme de la méchanceté aux oreilles des jeunes Cerys et Theluji ? Son assurance lui donnait-elle des airs de Mu'Awiya aux yeux de Nguvu ? Avait-il vraiment forcé la patte à Nihahsah, et le détestait-elle secrètement ? Ienzo, si doux et apaisant, était-il dérangé par son manque de finesse ?

L'affection de Thulrur entraîna un ronronnement bienheureux chez Ienzo qui n'hésita pas plus à doucement presser sa tête contre la sienne, les réponses accompagnant leurs échanges de tendresse ne faisant que renforcer les vibrations du bonheur. Être considéré comme un excellent compagnon par le montagnard ne pouvait le rendre plus fier, lui qui avait peur de finir en poids mort à cause de son manque de connaissances sur le monde de la surface, il allait redoubler d'efforts pour s'adapter au mieux et continuer de répondre, peut-être même de surpasser les attentes.

Reposant sa patte sur la roche, Ienzo détourna le regard et contempla silencieusement les horizons aux côtés de Thulrur, levant parfois les yeux vers la cime des arbres tout en se demandant s'il pourrait exister un perchoir plus haut encore. Puis il se rappela l'existence des montagnes et l'incroyable vue qu'elles devaient offrir à leurs habitants, en plus de cette neige qui lui tardait de voir de ses propres yeux, lorsque le jour sera venu.
En pensant justement aux montagnes et ses enfants, il tourna une oreille vers celui se tenant à ses côtés, dont la voix hésitante apporta un nouveau sourire attendri au coin de ses babines. Le mâle si assuré habituellement ne l'était peut-être pas tant, finalement. Pas que ça changeait quelque chose pour lui. Si nous t'avons suivi, c'est pour une bonne raison. Même si son pragmatisme l'avait parfois heurté, il avait fini par comprendre. Tu m'as montré que tu es un allié de confiance... Malgré la sincérité de ses mots, le caverneux ressentit une pointe de gêne ; s'il arrivait souvent que son corps parle à sa place, il n'en restait pas moins réservé. Puis un formidable ami. Plus que ça, même. Là où il se montrait trop doux, le montagnard lui apportait un équilibre certain avec sa dureté, une précieuse aide dont il aurait du mal à se passer.

Glissant un rapide coup d'oeil à Thulrur, curieux de sa réaction, il finit par lui donner un léger coup de museau à l'épaule tout en plaisantant. Je distrais la sentinelle, quelle honte. Ponctuant ses paroles d'un petit rire intérieur, il se releva tranquillement, ne voulant pas embêter le montagnard trop longtemps non plus. N'hésite pas quand tu voudras changer de tour. Ajouta-t-il tout de même.

Ienzo ne tarda pas à répondre – comme toujours, en parfait allié. Thulrur afficha un sourire timide, n'acceptant qu'à demi les paroles de son ami, de peur de s'en enorgueillir. Lui-même avait du mal à comprendre ce qu'il avait montré; de son point de vue, il n'avait toujours fait que se battre pour ses propres intérêts, en acceptant ceux qui souhaitaient le soutenir. Il ne serait pas resté en arrière pour les autres comme Ienzo avait fait. Non, il n'était pas un bon ami.

Mais il ne dit rien, préférant taire ses élans auto-dépréciatifs. Thulrur avait bien des défauts, et le manque de confiance en soi en était le premier – mais, contrairement aux autres Uamuzi, il savait très bien le cacher derrière une carapace d'assurance et de bravoure. Il n'avait jamais peur de mettre à l'épreuve ses propres capacités, tant que les conséquences n'affectaient que lui; mais à partir du moment où ça touchait aux autres... il n'était plus sûr de rien. Et c'était sans doute pour ça qu'il avait rejeté la responsabilité de chef de groupe sur Nihahsah.

Au moins était-il plus ou moins conscient de ses doutes. Et il espérait, au fond de lui, qu'ils ne soient que dus à sa jeunesse et son inexpérience. Quand il aurait un peu plus vécu, assurément, il deviendrait aussi fort et solide que ses prédécesseurs Zigil. Que Zirak lui-même. Mais en attendant, il ne pouvait que faire confiance à la vie pour qu'elle lui enseigne tout ce qu'il avait à savoir pour devenir l'adulte qu'il avait pris en modèle depuis ses premiers mois de lionceau.

— Merci, fut tout ce qu'il réussit à répondre à Ienzo, même après son trait d'humour. Je t’appellerai ! lui assura-t-il encore en lui adressant un sourire en coin; même si, le connaissant, ça risquait de ne pas être pour tout de suite... Mais les tours de garde n'étaient plus aussi nécessaires ici qu'au Repos, alors Thulrur était déjà moins strict avec lui-même et avec les autres. Il n'était même pas sûr qu'il soit nécessaire que quelqu'un vienne prendre le relais.