Cerys trépignait d'impatience à l'idée de partir explorer les alentours de Kambi. Depuis que les Rebelles s'étaient installés à l'orée de la forêt, elle n'avait jamais osé s'hasarder trop en avant parmi les arbres. Les adultes lui avaient fortement déconseillé, et pourtant l'envie de partir à l'aventure se faisait chaque jour un peu plus grande - même le souvenir de la pauvre Nsiese commençait à ne plus suffire à réprimer sa soif d'aventure. Quelle n'avait donc pas été sa joie, quant la décision fut finalement prise de partir explorer cette nouvelle contrée !

Savoir Ienzo et Nihahsah à ses côtés était rassurant, mais Cerys n'oubliait pas pour autant que l'expédition n'était pas sans danger. Il ne s'agissait pas là d'une promenade de santé, mais belle et bien d'une mission de reconnaissance dont l'avenir des Uamuzi pouvait dépendre.

La matinée était déjà bien avancée lorsque le petit groupe se mit en route. La forêt était un lieu complètement nouveau pour Cerys, qui s'émerveillait un peu plus à chacun de ses pas. La végétation luxuriante, la majesté des arbres centenaires, la multitude de nouvelles odeurs et même le chant des oiseaux qui l'élevait de la cime des arbres... Ses montagnes natales lui parurent soudain bien lointaines, mais le temps n'était pas à la rêverie. Réalisant qu'elle s'était laissée distancer par ses compagnons, la montagnarde se hâta les rejoindre d'un pas bondissant. Arrivée à leur hauteur, elle ralentit l'allure et déclara d'une voix douce, dans laquelle on percevait un profond respect pour cette mystérieuse forêt :

- Cet endroit est vraiment surprenant, ... Cerys leva les yeux ambrés en direction de Nihahsah, de Ienzo, puis s'éleva à nouveau vers le cime des arbres. En observant ses oreilles pointant légèrement vers l'avant, ainsi que sa queue fouettant l'air, personne ne pouvait feindre d'ignorer l'intérêt de l'adolescente pour cette forêt. Pensez-vous que le territoire du Titan à cornes s'étend jusqu'ici ?

Gardant un oeil protecteur sur les deux lionnes à ses côtés, particulièrement sur la plus enthousiaste qui virevoltait d'un côté puis de l'autre au point où elle s'en laissa devancer, Ienzo progressait entre les arbres d'un pas tranquille, suivant parfois de l'oreille un vol d'oiseau ou le passage de la brise faisant trembler les feuillages autour d'eux. Il était à la recherche d'un promontoire qui dépasserait la cime des arbres, d'un point de repère qui les aiderait à savoir jusqu'où ils étaient rendu, mais hormis quelques buttes de terre, il n'y avait pour le moment rien de tel sur leur chemin. Oh, il pourrait bien essayer de grimper l'un des arbres centenaires comme il le faisait sur la roche de ses cavernes natales, mais ce n'était pas le moment de jouer les casse-cou. Theluji venait tout juste de se remettre de ses blessures et une fracture risquait d'être plus difficile à traiter.

À l'entente de la douce voix de Cerys, il tourna la tête vers celle-ci, hochant la tête pour montrer son accord. La forêt avait un charme bien particulier, à ne pas en douter. Ça ne m'étonnerait pas. Lui répondit-il, balayant les alentours d'un regard. Je ne l'espère pas, toutefois. S'ils se sont montrés bienveillants la première fois, peut-être le seront-ils moins lors d'une deuxième. Ils restaient des intrus. Et s'il avait eu le courage de se dresser face au fou qu'était Mu'Awiya, il ne l'aurait jamais pour en faire de même face à une telle bête. N'importe quel lion qui aurait vu sa silhouette serait conscient que ça tiendrait du suicide.

Je pense que chercher une vue d'ensemble du territoire pourrait être une bonne idée, qu'en dites-vous ? Il marqua une courte pause. Ainsi que les traces de plus gros gibiers, bien-sûr.

Adieu, innocence.
Adieu, naïveté.

L’heure du jeu était passée. Les voilà sur le départ, sur le point de s’enfoncer dans Nchi sans savoir ce qui les attendait. L’excitation était retombée sitôt les premiers pas esquissés en-dehors du camp ; ils venaient de laisser la « sécurité » derrière eux. Désormais, l’anxiété tenaillait son ventre. Elle faisait dégénérer ses hormones. L’adrénaline pissait dans ses veines aussi sûrement que le sang la guidait inexorablement vers son cœur. Le palpitant crachait une mélodie affolée sur un rythme discordant. Parfois, il ratait un battement. Une fausse note.

À mesure qu’ils avançaient, la végétation devenait plus dense. Elle passa du brun-jaune calciné des herbes pauvres à un vert plus sombre ; de la boue se formait au pied des arbres colonisés par la mousse et le lichen. L’air sentait plus fort l’humidité, ici. Il y avait aussi des odeurs de pourriture, ça-et-là. Si ces relents l’inquiétèrent d’abord, la Rebelle réalisa rapidement qu’il s’agissait du processus de décomposition des plantes plutôt que d’animaux morts. Pas de quoi baliser, en somme.

Elle marchait prudemment pour ne pas se prendre les pattes dans un entrelacs de racines. Les feuillus semblaient franchement décidés à les prendre en traître, dans le coin. Il y avait des trous à moitié rebouchés, des galeries partiellement effondrées — probablement des terriers laissés à l’abandon qui avaient fini par succomber face aux intempéries.

Elle remarqua que Cerys se perdait dans ses contemplations, ce qui la poussa à ralentir. Le souvenir des prédateurs de la Lande était encore trop présent dans son esprit ; il n’était pas question que la jeune lionne soit de nouveau ciblée par un spécimen hors normes. Personne ne savait ce qui rôdait dans le coin. Une fois l’adolescente à niveau, Nihahsah recommença à sonder les environs. Elle avait une peur sourde concernant les fameuses « créatures » cornues ; déjà parce que l’ancienne Msafara n’était pas friande des inconnus quand il était question d’individus de sa propre espèce, alors dès qu’on parlait d’une autre…
Nihahsah lança une œillade à Cerys, puis à Ienzo. Elle espérait un peu que le mâle affirme qu’ils avaient dépassé les Entités depuis longtemps, et qu’elles n’auraient jamais le « privilège » de les rencontrer. Mais la lionne n’était pas bête. Elle se doutait que ses camarades n’en savaient foutrement rien ; une incertitude qui lui collait les jetons. La queue plaquée contre son membre postérieur gauche, Nihahsah huma la bise. Comme prévu, Ienzo venait de confirmer ses pensées.

— Je suis de ton avis. Trouver le premier me paraît être le plus important dans l’immédiat. Il nous permettrait de nous faire une idée des lieux plus ou moins proches et d’explorer en premier ceux qui semblent plus “intéressants”.

Elle ne pouvait pas le nier, la présence du mâle clair la rassurait beaucoup. Il lui rappelait Thulrur par bien des égards mais… en plus doux. En plus discret, plus secret. Tout à fait inspirée par sa proposition, la Nihah s’enfonça dans le bois avec un peu de baume au cœur. Avoir un objectif fixé l’aidait à garder la tête froide.

Un moment s’écoula. La sueur glissait le long de son échine. Si l’épais feuillage ne laissait pas passer l’essentiel des rayons du soleil, l’air n’en était pas moins étouffant. Il ne faisait pas spécialement chaud mais la bise circulait mal. Il lui semblait plus difficile de respirer ici qu’à Kambi… À moins que ce ne soit que son esprit — un peu claustrophobe — qui lui causait des désagréments ? Peut-être.

— Là-bas. (Sa voix rompait le silence comme un couteau dans du beurre. La forêt entière sembla cesser de respirer.) On doit pouvoir monter dans l’arbre en se servant du tronc qui s’est couché.

Nihahsah se rapprocha dudit observatoire improvisé. Il était constitué d’un arbre large à la ramification solide qui se dressait vers le ciel et d’un autre, plus frêle, qui avait été partiellement déraciné — sans doute par un phénomène climatique. Le tronc du plus maigre, coincé dans les branches de celui qui demeurait debout, permettait d’accéder aux ramifications les plus hautes en prenant le moins de risque possible.

Cerys acquiesça d'un petit hochement de tête. La distance que les rebelles avaient parcourue depuis leur fuite de Repos lui semblait considérable. Pourtant, rien ne leur pouvait en effet que cette forêt ne faisait pas encore partie du royaume du Titan. La prudence était de mise.

- Cette créature a été d'une aide précieuse pour Theluji... Les oreilles de Cerys frémirent alors qu'une idée lui traversa l'esprit. S'il s'avère que notre campement se trouve à la frontière de son royaume, nous serions peut-être avisés de la remercier pour le cataplasme qu'elle vous a permis d'emporter. Cela lui montrerait au moins que nous ne sommes pas des ingrats. Et ... et peut-être qu'avec le temps le Titan accepterait de partager avec nous un peu de son savoir ... Cette créature est peut-être une sorte de guérisseur.

A supposer bien entendu que le Titan soit dans les environs et - fait non négligeable - qu'une discussion soit possible. Après tout, les Rebelles ignoraient tout de cette créature. Les Uamuzi pouvaient très bien ne plus jamais en entre parler, ... tout comme se faire empaler dans leur sommeil par l'une de ses cornes acérées. A cette pensée l'adolescente frissonna.

Lorsque le petit groupe s'arrêta devant le tronc d'arbre Cerys examina cette passerelle de fortune d'un œil septique.

- Grimper là-dessus ? Elle se dressa sur ses postérieures pour venir déposer ses pattes avants sur le tronc. L'escalade n'avait pas de secret pour la montagnarde, ou du moins, l'escalade de parois rocheuses ou de pentes abruptes. Cet arbre à l'écorce rendue glissante par l'humidité ne lui présageait en revanche rien de bon.

D'un hochement de tête, Ienzo approuva les paroles de Nihahsah, se remettant à la recherche d'un chemin vers la cime des arbres. Et très vite, il se mit à penser ironiquement que grimper l'un d'eux n'était pas une si mauvaise idée, en fin de compte... D'une oreille, il écouta Cerys qui abordait un point plus qu'intéressant. Même s'ils étaient loin d'être à plaindre jusqu'ici, avoir un guérisseur était l'assurance d'une meilleure chance de survie. Mais, espérer que les forestiers partageraient de telles connaissances par simple bonté d'âme ? S'il est vrai qu'ils ne nous ont rien demandé lorsque nous les avons remercié... J'ai du mal à croire que le temps suffise. Répondant d'une voix douce, il tourna les yeux vers la dorée. Pour un tel savoir, je pense qu'il nous faudrait un équivalent à donner. Mais quoi ?

L'exclamation de Nihahsah l'empêcha de réfléchir plus à la question, les oreilles redressées et la queue relevée d'intérêt, il s'approcha dans un trot léger de sa découverte. Belle trouvaille. Glissant l'ombre d'un sourire à leur guide, le caverneux se reconcentra ensuite sur le tronc partiellement déraciné, rejoignant Cerys dans son inspection. Je peux monter. J'ai l'habitude. Déclara-t-il après la constatation de l'écorce humide et glissante. La roche lissée par l'écoulement de l'eau offrait moins d'accroches que ça, aussi n'avait-il pas hésité à se proposer. Mettre à profit ses capacités pour son clan ne pourrait le motiver plus.

Une fois qu'il s'était assuré que cela convenait à ses deux camarades, Ienzo s'engagea prudemment sur leur pente de fortune. Les griffes - pour une fois - sorties et la queue allongée pour garantir son équilibre, il faisait attention à répartir son poids le plus possible, progressant jusqu'à la première branche du second tronc. En jetant un coup d'oeil vers le sol, il étira un fin sourire, s'amusant à imaginer la réaction du reste de la Rébellion à sa vue. D'ailleurs, il se demanda s'il pourrait voir leur campement une fois qu'il serait au sommet. Restant instinctivement prêt du tronc pour un support des plus solides, il continua de monter en spirale, sentant quelques morceaux d'écorce ayant réussi à trouver leur place dans son pelage, ainsi qu'une ou deux feuilles maintenant logées dans sa crête. Néanmoins, il garda toujours les yeux sur ses pattes, jusqu'au moment où il heurta sa tête à la couverture de feuillages.

Calmement, Ienzo écarta quelques branches pour dégager un passage, le coeur battant d'excitation à l'idée de bientôt découvrir la vue que lui réserver cette grimpée.

A l'ombre de la forêt

DES PAPILLONS ! DES PAPILLONS PARTOUUUT !
Ienzo grimpe, et Ienzo grimpe bien ! Son passé d'escaladeur n'y est sans doute pas pour rien; et il est bien plus léger que les autres lions de son âge. Il y parvient donc sans trop de mal et, une fois la cime des arbres brisée, une envolée de papillons aux couleurs vives vient le saluer. Si la forêt ne leur a pour l'instant montré aucune compagnie, il est indéniable qu'elle grouille de vie -au moins insectoïde-.

De son point de vue privilégié, Ienzo ne peut voir que le feuillage des arbres. Ce qu'il peut déjà remarquer, c'est que ces feuillages sont loin d'être homogènes : certains arbres sont fins, épineux, et se terminent en pointe, alors que d'autres sont ornés de larges feuilles et ont un sommet en dôme. Les couleurs varient autant que les troncs, et la forêt semble faite d'une myriade d'espèces d'arbres différentes.
Vous étant enfoncés dans la forêt, vous êtes au nord de votre campement. Il n'est pas visible -les arbres le cachent- mais, si Ienzo a un bon sens de l'orientation, il devrait avoir une vague idée d'où il doit se trouver. A moins que cette mer de feuilles ne le déconcerte – après tout, a-t-il jamais été plus près du ciel ?

Depuis son point de vue, Ienzo ne peut voir que la canopée – ce qui peut être aussi utile que désavantageux. Vers le nord (en direction du Repos, donc), les feuillages se font de plus en plus denses et de plus en plus serrés. Vers le sud, ils s'espacent, se raréfient, puis finissent par disparaître – mais impossible de voir ce qu'il y aurait au-delà. Ce que Ienzo peut voir, par contre, c'est le miroitement d'un large cours d'eau vers l'ouest; une sorte de rivière dont l'origine se perd dans la forêt mais qui s'écoule en direction du sud. Vers l'est, la forêt finit par s'arrêter abruptement, stoppée dans son expansion par... un massif rocheux ?!

Au moment où il hissa le haut de son corps par dessus la canopée, il se mit à retenir sa respiration. Un doux vent ne tarda pas à lui arriver, décrochant l'une des feuilles dans sa crête, en même temps que de lui apporter de nouvelles senteurs. Son regard, glissant d'abord sur l'océan végétal aux mille formes et couleurs, se retrouva captivé par l'envolée de papillons tout aussi colorés, tournant et retournant la tête pour admirer le spectacle presque féerique. Il est vrai que si l'enfant des cavernes avait toujours connu les profondeurs, il n'avait jamais eu l'occasion de se rapprocher des cieux. Et s'il avait été plus jeune, plus naïf, sans doute aurait-il essayé de marcher sur l'horizon de feuilles.

À peine Ienzo retrouva sa respiration qu'il remarqua un miroitement familier du coin de l'oeil, sa tête basculant rapidement vers l'ouest où un grand cours d'eau s'étendait vers le mystérieux sud. S'empêchant de bondir de joie pour éviter de créer un accident, il laissa un roucoulement passer ses babines à la place, étendant son cou comme si cela serait suffisant pour voir par dessus la cime des arbres. Dos à l'est, la gigantesque ombre qui s'étendait seconde par seconde sur la canopée lui sauta finalement aux yeux, son volte-face ne lui laissant pas le temps de se préparer avant de tomber nez à nez avec un immense massif rocheux. La gueule entrouverte, il leva le museau vers ses pointes qui, en plissant les yeux, lui parurent plus... blancs ?
De la neige. Le souvenir de sa discussion avec Theluji lui revenant à l'esprit, il étira un sourire, heureux que leur voyage s'annonce plus proche qu'il ne l'aurait pensé, sans compter Thulrur et Cerys qui allaient bondir de joie lorsqu'ils apprendront l'existence de cette colonie rocheuse, si proche de leur campement. Du moins, par rapport à leur temps de marche, elle lui paraissait comme telle, mais Ienzo demeurait incapable de se repérer dans la mer de feuillages.

Après un dernier tour sur lui-même, il se mit à redescendre prudemment, gardant le nez pointé vers le soleil, seul point de repère qu'il avait trouvé. Cela rendit le retour bien plus compliqué que l'allée, mais petit à petit, il réussit à regagner le tronc couché sans perdre sa direction et dès qu'il toucha la terre ferme de ses coussinets, l'une de ses griffes pointa dans la direction du massif rocheux, maintenant disparu derrière la canopée.

Par là, il y a un immense rocher, plus haut que les arbres encore ! Quoique sa voix restât éternellement discrète, l'excitation qui la faisait vibrer était parfaitement audible. En le réalisant, Ienzo ressentit une pointe de gêne et prit un instant pour se reprendre, avant de continuer. Je crois qu'il n'est pas très loin d'ici, nous pourrions tous ensemble monter à son sommet et avoir une vue plus dégagée encore du territoire. Le plumeau de sa queue frôlait la mousse du sol de la forêt, ses balancements réguliers lui permettant de canaliser l'adrénaline de la montée. La forêt s'étend loin, je n'ai pas réussi à voir par delà, mais il y a un grand cours d'eau qui en sort.

Même si la sensation ne devait pas être la même que se retrouver au beau milieu d'un océan de feuilles, il avait envie que tout le monde voie la beauté de la canopée, une aubaine que cette colonie de rochers pourrait leur donner. Tour à tour, il regarda ses deux camarades, attendant de connaître leurs avis.

Les yeux fixés sur la cime des arbres, Cerys avait suivi la descente de Ienzo en retenant son souffle, craignant que voir le caverneux tomber à chacun de ses mouvements. Elle poussa un petit soupire de soulagement, lorsque celui-ci atteignit finalement le tronc couché et regagna quelques instants plus tard la terre ferme. Elle accueillit le grimpeur avec un large sourire, les oreilles dressées vers l'avant et les yeux brillants de curiosité.

- Alors ?! A quoi ressemble la canopée ? T'as pu monter assez haut pour voir quelque chose ? La forêt s'étend jusqu'où ? As-tu vu des traces de gibier ? ...

Le récit qui s'en suivit fut à la hauteur de ses espérances. Non seulement Ienzo avait réussi à attendre la cime des arbres, mais en plus il semblait avoir réussi à repérer les alentours. Sautillant légèrement sur place, sous le coup de l'excitation Cerys promena son regard de l'un à l'autre de ses compagnons.

- Whaou, bien joué Ienzo ... Laissa-t-elle échapper sur un ton admiratif... Si cette forêt est aussi grande que tu le dis, heureusement que Nihahsah a repéré cet arbre couché, sinon nous aurions pu errer des jours sans résultat !

Cerys s'avança pour vernir frôler légèrement l'épaule de la Rebelle, un léger ronronnement s'élevant de son poitrail. Elle jeta ensuite un œil envieux au tronc d'arbre couché et à la canopée. Elle aussi aurait bien aimé voir toutes ces choses, mais une petite voix au fond d'elle-même lui disait qu'escalader un rocher était bien plus à sa portée que ce fichu arbre. L'adolescente reporta donc à regret son attention sur les deux Rebelles :

- Tu as raison Ienzo, nous devrions rejoindre le groupe pour leur parler de tes découvertes. Peut-être voudront-ils venir avec nous jusqu'au rocher !

Sans vraiment attendre la réponse de ses compagnons, la demoiselle fit volte-face et fit quelques pas en direction de leur campement avant de jeter un coup d'œil par-dessus son épaule :

- Alors, vous venez ?!

Elle n’avait pu qu’approuver avec un air grave, la Nihah, lorsque la môme avait observé avec suspicion le tronc couché. Elle savait que la Nature pouvait trahir. Elle pouvait les tuer, leur faire du mal, les laisser nus, blessés, sous la cime après une chute qui ne pourrait qu’être fatale — au moins à terme.
Elle avait eu envie de s’interposer vivement entre la jeune lionne et sa propre idée. Elle ne voulait pas que l’« enfant » monte, quand bien même celui-ci avait prouvé toute sa valeur lors de leur précédente exploration ensemble. Elle avait un semblant d’instinct maternel, et il lui hurlait des insanités à la tronche.

Son malaise se dissipa un peu avec l’intervention d’Ienzo. Le mâle sembla prendre les choses entre ses pattes vigoureuses, ce qui la rassura ; quoi que l’angoisse demeurât fermement accrochée à son bide à chaque pas que son camarade esquissait sur l’arbre malmené. La montée se déroula sans encombre. Elle relâcha un premier soupir de soulagement, tout en sachant qu’il lui faudrait bien redescendre un jour ou l’autre. Il ne resta dans les hauteurs qu’un petit moment. Pas assez pour la faire éclater sous le poids du stress, mais suffisamment pour que sa nuque devienne douloureuse à force de lever la tête.

Enfin, Ienzo reposa les coussinets sur la Terre. Le bout de la queue de Nihahsah forma un arc enjoué vers le ciel alors qu’elle se rapprochait avec un sourire apaisé. Elle sentit sa chaleur sans même avoir à le toucher. Elle l’écouta avidement, tantôt intriguée, tantôt inquiète. Elle se murmura intérieurement qu’elle voulait voir ces choses-là aussi, de ses propres yeux. Aussi, la proposition d’aller chercher les autres Rebelles l’enchantèrent. Elle caressa l’épaule de la môme qui venait la frôler, puis s’engouffra à sa suite. Oui, ils devaient se dépêcher !

— Allons-y !

C’est ainsi qu’ils s’élancèrent dans la forêt pour rejoindre le camp.