La maladie le dévastait. Elle était devenue plus destructrice encore que la frustration et voir qu'aucun lion à part lui et Kosa ne semblait en avoir quelque chose à faire lui piquait le coeur sans qu'il ne parvienne à se l'expliquer. Après tout, s'ils ne voulaient pas bouger une griffe pour lui en dépit de tout ce qu'il avait fait pour eux, pourquoi abandonnaient-ils également Milo dans l'affaire ? Mu'Awiya avait pensé qu'en en faisant un martyr, tout le monde trouverait le remède pour lui. Mais il avait été idiot de compter sur les siens. Ces lions ne pensaient qu'à eux, aucun d'entre eux n'auraient put devenir chef avec des instincts aussi égoïstes.

Au fond de lui, il en venait même à se demander si les déserteurs n'auraient pas, eux, tenter de trouver un remède. Ils étaient trop intègre pour simplement le laisser crever dans sa merde - excepté Nihahsah qu'il lui tardait de retrouver. Venant finalement à la conclusion qu'il ne faisait que tourner en rond en pensant à cela, il finit par chasser ses pensées d'un coup de griffe dans les ronces.
Heureusement, les morsures de serpents lui avaient apprit la leçon, face au ruisseau qu'il suivait, il se montrait d'une extrême prudence. Il ne voulait pas précipiter sa mort par un venin plus fulgurant encore et il finit même par marcher directement dans l'eau, qu'importe que le froid ne lui glace les os, excitant son mal.

Il ne voulait pas, au départ, partir seul et s'éloigner du camp. Certes, il ne comptait pas partir hors de portée de rugissement, mais il se savait faible et vulnérable. Alors qu'il avançait, certie d'une extrême lenteur, il se sentait de plus en plus menacé. Il n'avait pas le choix, cependant et en avait pleinement conscience. Après tout, il était le seul à pouvoir trouver son remède et, truffe assez basse - sans être trop proche du sol - et tentait de sentir les fleurs et plantes environnantes. Peut-être finirait-il par trouver un quelconque remède ? Un coup de chance qu'il n'espérait que trop.

Les sens du mâle étaient tout engourdis par la maladie, mais si son odorat devenait progressivement inutile, il conservait tout de même son ouïe et il entendit les bruits clairs de l'eau lorsque la lionne traversa le ruisseau. Il se tourna vers elle, l'observant alors qu'elle venait poser une proie à ses pattes.

« Bonjour Mu'Awiya. Nous venons de revenir de la chasse et je t'apporte ce morceau de viande, puisse t-il te redonner un peu de force. » Le mâle posa les yeux sur elle. Vana... Il ne l'aimait pas particulièrement, ne la haïssait pas non plus. Il avait souvent la sensation qu'elle était totalement défoncée, dû à ses globes oculaires rougeâtres et s'il ne la connaissait pas spécialement, il ne l'avait jamais trouver réellement attirant. Ses pensées, de toute façon, étaient trop focalisées sur celle qui l'avait trahit.

« Merci... As-tu mangé ? » Lui demanda-t-il sur un ton légèrement brusque. Il ne voulait pas qu'on lui fasse la charité, il préférait savoir qu'on l'estimait assez fort pour ne pas le nourrir en premier, comme les lionceaux. Il se pencha tout de même en avant, sentit la proie avant de lever les yeux sur la lionne sans pour autant détacher son museau de la chair.

« Tu as quitté le camp pour venir me trouver ? »

« Oui, parce que je m'inquiétais. Tu es tout de même notre Chef. » Répondit-elle. Si Mu'Awiya appréciât sa franchise, il roula tout de même des yeux dans un sourire sardonique. Après tout, il était un chef incapable de tenir son groupe, un chef qui avait laisser fuir des traîtres, qui avait perdu une adolescente et qui, encore aujourd'hui, se rendait inutile en mourant dans son propre vomi. Il était un piètre chef, s'en rendait peu à peu compte, s'en sentait terriblement frustré. Il allait partir de ce monde en ne laissant ni descendance, ni trace, si ce n'est une trace de vomit sur un sol de sang.

« Ne t'en fais pas, ce n'est guère par charité que je t'ai amené cette proie, ne supportant pas moi même ce genre de chose. Je Hais la Pitié. » En l'entendant, le mâle releva les yeux sur elle. La pitié, hein. Cela ne le rassura pas tant que cela, mais il ne s'en formalisa pas, se contentant d'un sourire faussement reconnaissant envers la femelle.
Il planta ses crocs dans la chair de la proie, chassant du revers de ses crocs ses sombres pensées et lorsqu'il eut manger des morceaux assez conséquents, il se redressa. Alors qu'il planta son regard dans celui de Vana, penchant l'encolure pour être à son niveau, il demanda :

« Ainsi donc tu me vois comme un chef, c'est cela ? » Son ton était bien moins brusque, il était même presque chaleureux - un changement assez brusque pour surprendre ceux qui ne le connaissait pas. La question, également, aurait put paraître être un piège, mais il ne s'agissait en rien de cela puisqu'il poursuivit.

« Un chef est un guide, Vana. Je ne vous ai guider nul part si ce n'est vers ma propre mort. » Il redressa la tête. « Pour être un Roi, il faut avoir une volonté et un cou de fer. Mu'Awiya s'est trop persuadé de sa force, je n'ai pas pensé à la consolider, je n'ai même pas pensé que je pouvais être mordu par un serpent. » Dit-il. Il ne voyait plus réellement l'intérêt de cacher sa maladie à présent. Tout le monde s'en doutait, se cacher aurait été ridicule.

« Tu ne pouvais prédire que tu te ferais mordre, ce n'est donc point de ta faute. N'oublie pas qu'un Roi ne peut être parfais, qu'il commet parfois des erreurs et qu'il en apprends pour en tiré des leçons, une moralité. Je pense que tu es de ceux-là. Cela te rends plus Lion en tout cas pas fautif. Nous ne te laisseront pas mourir. » Dit alors Vana de ce même ton assez neutre, mais doux. Sa queue balançait sans cesse, cela aurait put agacé le mâle, mais il n'y faisait pas attention. Il ressentait une étrange sensation face à ses paroles... Comme un mélange de joie et d'amertume. Mais il n'en dit rien, se contentant de détourner le regard.

« Je ne pouvais pas le prédire, non. Je voulais... Je voulais éviter que quelqu'un ne meurt part ma faute. » Avoua-t-il, chose qui était vrai. Il est un monstre, un lion assoiffé de pouvoir, de reconnaissance. Un lion qui se moquait du désir des autres, qui prenait, tout simplement. Mais il prenait son rôle de chef assez à cœur pour ne pas vouloir risquer la vie des autres, des siens, inutilement.

« Il faudrait que Héka et Kosa trouvent un remède... Mais je n'y crois plus vraiment. » Dit-il en écho à ses paroles, fixant toujours une certaine forme de vide. « Je me suis attaché à cette terre... J'aimerais l'emporter avec moi. » Et ses griffes labourèrent le sol, soulevant un peu de cette terre. Son regard, de plus en plus vitreux, signalait discrètement la fatigue du lion, mais aussi sa perte progressive de conscience dans la discussion. Rester concentré était difficile, à son stade d'empoisonnement.