Bon... Bien que Inyanga aimait se la couler douce, ses parents, toujours sur son dos, ne lui avaient pas laissé d'autres choix que d'aller chasser un peu. C'est donc à contre coeur que la femelle était allé chasser dans la plaine, et avait attrapé un oiseau, Une sorte de corbeau... Oh et puis, on s'en fiche de l'espèce, elle allait pouvoir le manger, c'était déjà ça. Traînant son butin dans sa gueule, Inyanga préféra profiter du calme du Refuge pour pouvoir manger en paix. Elle se rendit donc à la grotte cachée, où s'amusaient deux lionceaux qui se trouvaient être trop bruyants aux yeux de la femelle. Après un grondement, puis un coup de patte dans le flanc, Inyanga fit fuir les deux morveux, pour venir s'allonger tranquillement et commencer son repas.

- J'vais l'dire à maman ! Lança l'un des lionceaux en fuyant le Refuge. Inyanga leva les yeux au ciel, ignorant la grande menace du petit mâle, se jurant qu'elle mettrait la patte dessus plus tard pour lui rappeler qu'il n'était qu'un rejeton de plus au sein du clan. Les mômes.... Elle ne les aimait pas, ils étaient trop excités, trop bruyants, insupportables quoi ! C'est pour cela que Inyanga prenait plaisir à les martyriser de temps en temps, en faisant bien-sûr attention de ne pas les abîmer...

Un peu de grabuge du côté du refuge; des lionceaux s'enfuyant en courant, l'un d'eux prêt à aller se plaindre à sa mère. Les oreilles rondes d'Impuku se dressèrent vivement sur sa tête, et elle émergea de derrière un rocher, comme une souris émergeant de son trou. Elle regarda les petits partir – visiblement sans aucune blessure, comme quoi ce qui les avait embêtés ne les avait pas blessés (peut-être était-ce un autre lionceau, d'ailleurs ?) – puis tourna son attention vers l'endroit d'où ils fuyaient : le refuge plus-si-secret-que-ça.

Poussée par une vilaine curiosité – celle qui, paraît-il, tua le chat; mais dans ce cas précis, c'était bien la souris qui y risquait ses moustaches –, elle s'approcha de l'entrée de la cavité à pas de loup. Elle resta cachée le plus possible et s'approcha juste assez pour que son œil entraîné puisse y voir quelque chose; et elle n'y vit qu'une lionne du clan et sa proie. Une lionne occupée à ses petites affaires et qui n'était sûrement pas l'origine de la détresse des lionceaux.

— Tout va bien ? osa s'élever la douce voix de la souris. Elle se redressa un peu, puis se présenta correctement à la vue de celle qu'elle avait abordée. Rester dissimulé n'était pas poli. J'ai entendu les petits s'enfuir, s'expliqua-t-elle avec un timide sourire.

— Tout va bien ? Une voix sorti Inyanga de ses pensées. C'était Impuku, une lionne assez discrète du clan, qui ne faisait pas de vagues. Chose que la femelle aux pattes peintes appréciait grandement. Pourquoi faire parler de soit ? Etre dans son coin permettait de ne pas se faire remarquer, et de pouvoir profiter des joies de la vie. J'ai entendu les petits s'enfuir.

Alors voilà pourquoi la seconde femelle était apparu, les mioches l'avaient alerté. Contrairement à Inyanga, Impuku s'inquiétait pour la marmaille du clan, c'était mignon...

- Tiens ! S'exclama inyanga sans tenir compte de la remarque de sa congénère. Approche Impuku, Veux tu un peu de mon oiseau ? Il est trop fatiguant à plumer, et m'a coupé l'appétit...

Inyanga poussa le volatile à moitié mangé vers la Sourie, et s'assis pour nettoyer ses pattes couvertes de plumes. Bof, ne t'inquiètes pas pour ces lionceaux, ils aiment faire parler d'eux, ce n'est pas nouveau... Ils ont dû se chamailler et l'un à dû griffer l'autre un peu trop fort à son gout, avait-elle fait mine d'imaginer. Impuku serait-elle un peu trop curieuse au goût de Inyanga ? Elle n'avait pas arraché les moustaches de ces garnements après tout... Du moins, pas encore...

- Toi aussi, tu viens profiter de la fraîcheur du Refuge-secret-que-tout-le-monde-connait ?

Inyanga était plaisante, et Impuku fut presque surprise de se voir si bien accueillie. Surprise, même, que la lionne n'ait aucun mal à retrouver son nom. D'habitude, les autres Nobles bredouillaient quelques secondes avant de réussir à remettre le doigt sur le nom de la presque-adulte. Laissant son sourire s'agrandir, elle s'avança donc dans la caverne, à petits pas timides.

— C'est très gentil, merci ! Si son naturel discret l'aurait incitée à refuser pareil honneur, son côté poli et agréable lui disait que ce n'était pas très correct de refuser une offre si gentille. Alors, elle alla se coucher en face de sa congénère et commença à grignoter les bouts de peau déjà plumés.

— Tu as sûrement raison, décida-t-elle sur l'affaire des lionceaux. Une chamaillerie d'enfants, ça lui semblait crédible, et elle laissa donc l'histoire derrière elle aussi vite qu'elle s'en était mêlée.

Elle laissa échapper un petit rire à l'entente du nom qu'Inyanga avait trouvé au Refuge – une cachette tantôt dénigrée par les vieillards du clan, tantôt source de blagues et d'insinuations. Impuku, elle, trouvait toujours l'endroit très romantique et, dans un coin de sa tête... elle rêvait parfois de pouvoir y vivre une vraie escapade amoureuse, un jour.
— Oui, c'est un chouette endroit ! approuva-t-elle joyeusement. Forcément, en sa qualité de petite souris, elle avait tendance à affectionner les petits recoins sombres et reclus. C'était surtout ça, plutôt que la fraîcheur de l'endroit, qui l'y attirait toujours. Et puis, c'est une bonne cachette... glissa-t-elle plus doucement avec, au fond du regard, une petite lueur mutine et un sourire en coin étonnamment sûr de lui. D'infimes détails qu'on ne voyait jamais sur le visage d'ange d'Impuku, et encore moins dans la pénombre d'un endroit pareil. C'était sûrement pour ça qu'elle se sentait toujours un peu plus libre d'être elle-même dans ses cachettes : car même si elle y avait de la compagnie, il était d'autant plus difficile de lire ses micro-expressions.

Impuku accepta le volatile avec enthousiasme, et ne perdit pas une seconde pour commencer à croquer dedans. Inyanga l'observait silencieusement, et la Souris confirma ce que la première femelle avait dit concernant les lionceaux.

inyanga fût agréablement surprise de voir que Impuku ne chercha pas plus d'explications que cela. Si elle avait craint que la femelle ne se mêle trop de cette petit escarmouche avec les mioches, La Sourie avait vite fait de prouver le contraire, et parti plutôt sur la suite de la discussion, à savoir le Refuge.

— Oui, c'est un chouette endroit ! Avait-elle répondu avec bonne humeur lorsque Inyanga lança la conversation. Chouette endroit était peut-être un peu fort, mais au moins, il y faisait frais. Dommage que cet endroit était maintenant trop connu par tout le monde, car il était rare de s'y trouver réellement tranquille... Et puis, c'est une bonne cachette...

La seconde phrase de Impuku laissa Inyanga perplexe. La femelle au pelage foncé ne savait pas trop ou voulait en venir sa congénère. Y'avait-il un sens caché à cette phrase ? Impossible de savoir réellement ce que pensait la Souris, car l'obscurité empêchait de voir correctement son visage...

- En effet, répondu Inyanga qui cherchait toujours à connaitre les réelles pensées de Impuku. Si les Cidanka nous attaqueraient sur notre territoire, nous pourrions nous cacher ici et leur tendre une embuscade... Voilà qui était un bon plan aux yeux de la femelle. Comme tous bons Khombas se respectant, Inyanga éprouvait une haine sans nom vis-à vis de leurs voisins, les Cidanka.

- Mais dis moi Impuku, tu es assez discrète dans le clan non ? Avait ensuite questionné Inyanga. Quels sont tes projets pour le clan ? Toi aussi, comme tous les autres, tu souhaites rejoindre la cour de Dame Inqaku ?

Si Inyanga paraissait d'un coup si curieuse, ce n'était pas pour rien. Doté d'une bonne mémoire, elle enregistrait tout ce qu'elle entendait, pour pouvoir s'en servir à bon ou mauvais escient... Mais, avec son air innocent, comment se douter de quoique ce soit ?

Utiliser le canyon pour tendre une embuscade à la Légion ? Oui, le plan semblait bien pensé, mais Impuku se demandait s'ils pourraient vraiment tous tenir dans le refuge. Ce n'était pas une très grande grotte, et y cacher tous les Nobles guerriers risquait de causer un gros bouchon à la sortie et de les empêcher de fondre efficacement sur l'ennemi. Du moins, c'était ainsi qu'Impuku imaginait la chose; mais elle n'y connaissait rien à l'art de la guerre et peut-être était-ce juste là son désir presque inconscient d'éviter les batailles qui se révélait. A vrai dire, elle ne voulait pas vraiment y penser – déjà, parce que toute idée de violence lui répugnait, mais aussi parce que si les Cidanka parvenaient jusqu'au canyon... Alors ils auraient réussi à envahir Umzi et ça, c'était impensable ! Aucun des deux clans n'avait réussi à progresser plus loin que la rive adverse de la rivière, et Impuku espérait que ça resterait encore ainsi pour longtemps.

— Oh, bien sûr ! s'enthousiasma la Souris aux questions de son aînée, en parfaite petite Khomba. Enfin, je ne suis pas sûre d'être assez bien pour la Cour, mais... j'aimerais bien aider. Pour les naissances, par exemple. Et elle lâcha un instant son repas pour offrir un sourire à Inyanga. Impuku n'affectionnait pas particulièrement les lionceaux, mais elle éprouvait toujours beaucoup d'empathie pour les lionnes pleines qui n'avaient décidément pas la vie facile. Elle se voyait bien les aider à mettre bas, quand elle serait assez mature pour ça.

— Et toi, alors ? renvoya-t-elle la question à Inyanga. Tu veux intégrer la Cour ? Ou tu vises un métier en particulier ? Son métier rêvé à elle, Impuku en changeait tous les quarts d'heure (normal, pour une ado, me direz-vous) : tantôt elle voulait être nourrice, tantôt sage-lionne, tantôt marieuse... Alors, forcément, elle était curieuse de savoir comment Inyanga imaginait son futur à elle !

— Oh, bien sûr ! Avait répondu la Souris avec enthousiasme. Enfin, je ne suis pas sûre d'être assez bien pour la Cour, mais... j'aimerais bien aider. Pour les naissances, par exemple. Les naissances ? Beurk... Voilà bien une chose qui répugnait particulièrement Inyanga. Si il y'avait bien une chose qui ne lui donnerait jamais envie, c'était de donner naissance à des lionceaux, et de s'en occuper ! Non elle, elle était faite pour s'occuper uniquement de sa petite personne, et d'être apte à combattre en toutes occasions ! S'occuper de morveux infernaux ? Jamais de la vie.

T'occuper des naissances ? Quel ennuis, devoir supporter les femelles gestantes, et leurs plaintes incessantes... Un bon moyen de te ramollir, ou de devenir folle... Avait répondu Inyanga, blasée rien qu'en imaginant cela.

— Et toi, alors ? Demanda ensuite Impuku. Tu veux intégrer la Cour ? Ou tu vises un métier en particulier ? Une bonne question, Inyanga devait l'avouer. Elle ne visait aucun métier particulier. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était la tranquillité habituelle de ses journées. Rejoindre la cour de la Reine ? Pourquoi pas, mais à condition qu'on ne lui en demande pas trop... Après tout, faire partir de la Cour de Dame Inqaku signifiait, aux yeux de Inyanga, de pouvoir jouir des plaisirs de la vie, y compris de ne rien faire lorsque nous n'en avons pas l'envie... Mais, qui remarquerait une lionne telle que inyanga ?

- Moi ? Je ne cherche rien. Je participe si l'envie me viens, sinon, je m'occupe de mes petites affaires... Je pense que, comme tout Khomba qui se respecte, j'aimerais faire parti des Grands, être aux côtés de notre Mère... Mais... Il y'a Sipho...

Inyanga stoppa sa phrase sur ce nom... Sipho, le traître à son clan. Comment Dame inqaku arrivait-elle à regarder son fils dans les yeux après ce qu'il avait osé faire ? Comment avait-elle accepté de le laisser vivre sur ses Terres, alors qu'il s'était amouraché de la fille de leur ennemi ? C'était à ne rien y comprendre...

Inyanga était, comme à son habitude, cassante et rabat-joie – un comportement qui aurait pu déstabiliser Impuku si elle n'y était pas déjà habituée. Mais, tout comme Inyanga connaissait son naturel discret, elle-même savait combien la lionne pouvait être revêche; et il fallait ajouter que la Souris était particulièrement bien entraînée de ce côté-là, car sa chère Tante Lindiwe n'était pas beaucoup plus gaie. Elle ne se départit donc pas de son sourire placide, et laissa Inyanga continuer sans se laisser démoraliser par son pessimisme.

— Moi ? Je ne cherche rien. Je participe si l'envie me vient, sinon, je m'occupe de mes petites affaires... Je pense que, comme tout Khomba qui se respecte, j'aimerais faire parti des Grands, être aux côtés de notre Mère... Oh ? Comme tout Khomba qui se respecte ? Inyanga se croyait-elle respectable ? Elle, qui n'en fichait jamais une, qui ne participait que trop rarement aux chasses et ne s'entraînait, comme elle le disait elle-même, que quand l'envie lui prenait – c'est-à-dire, rarement ? Bien sûr, Impuku n'était pas toute blanche de ce côté-là non plus, et elle se garda donc de porter un jugement sur sa congénère. Mais si elle fuyait les entraînements martiaux comme la peste, elle essayait au moins de servir son clan dans une autre branche. Inyanga, elle, n'avait sa place nulle part et, pire encore, ne semblait même pas s'en rendre compte. Mais... Il y a Sipho...

Impuku inclina sa tête sur le côté dans un signe d'incompréhension. En quoi Sipho l'empêcherait-il de rejoindre la Cour ? Avaient-ils eu des différends ? A moins qu'elle soit à ce point dégoûtée par lui ? Elle savait que beaucoup de lions commençaient à chuchoter sur le dos du Prince, sa propre famille y compris. Mais au moins, lui, il essayait de penser au bien du clan ! Il ne restait pas là à ne rien faire et à profiter de son statut, comme il aurait pu le faire !
Mais malgré ses pensées, la Souris ne laissa rien paraître. Elle n'avait pas le courage de questionner ou de contredire un autre Khomba – ou même un non-Khomba, en fait.

— Et alors ? fit-elle d'un ton hésitant, en laissant son regard vagabonder sur le sol devant elle. C'est un problème, Sipho ? Je veux dire... Il t'empêcherait de rejoindre la Cour ? La question ne faisait que refléter ses premières interrogations; elle était assez innocente pour qu'Impuku ose la poser.

Inyanga avait très bien vu que Impuku semblait ne pas comprendre les derniers mots concernant Sipho. Pourtant, c'était clair non ? Comment supporter ce crétin égoïste ? Il n'avait auucn respect pour sa mère, leur Mère à tous... Elle qui avait sauvé le clan se devait de gérer son propre fils qui était un débile fini...

— Et alors ? Demanda la Souris. C'est un problème, Sipho ? Je veux dire... Il t'empêcherait de rejoindre la Cour ?

Inyanga se demanda alors si Impuku était au courant de la trahison de Sipho. Aux yeux de tout le monde, le Prince devait être un problème, pourtant, la Souris semblait se moquer de cette histoire, comme ci elle n'était pas importante. Ça n'avait aucun sens !

- Hm... Disons que nous avons eu un petit différent concernant sa liaison avec la Princesse Cidanka. Expliqua simplement Inyanga, calmement. J'avouerais que je ne porte pas le Prince dans mon coeur.

Voilà qui était dit, et si Inyanga en avait l'occasion, elle aimerait en discuter avec Dame Inqaku directement... Sipho était un danger pour le clan tout entier, il devait soit ouvrir les yeux, soit être destitué de son futur rôle de souverain...

- Cette histoire ne t'inquiète pas toi ? Demanda ensuite Inyanga à la Souris. A mes yeux, Sipho est un danger pour nous tous...

Impuku ne comprenait pas pourquoi tout le monde s'émouvait tant de l'histoire de Sipho. Elle-même n'était pas ravie de ce qu'il avait fait, mais elle considérait déjà que c'était du passé : après tout, la Dame ne l'avait-elle pas consigné à résidence ? Sa punition, il l'avait eue, d'autant plus maintenant qu'il avait perdu sa crédibilité auprès de la majorité des Nobles. Et depuis ce jour-là, il était surveillé; et on rapportait que Jacayl et lui ne se voyaient plus. Certes, il allait toujours sur la rive, mais était-ce un péché en soit ?

— Ce n'est pas bien, ce qu'il a fait, concéda la Souris, mais de là à être un danger ? Son ton était dubitatif : elle ne pensait pas que les actions du mâle puissent à ce point impacter l'ensemble du clan. Elle avait plutôt l'impression que si Inyanga était aussi sévère envers lui, c'était surtout dû à leurs différends personnels. Si ils ne s'entendaient pas et qu'ils s'étaient disputés, alors tout s'expliquait !

De plus, le régime politique d'Inqaku était trop récent pour réellement considérer Sipho comme son héritier. Si c'était ce que tout le monde avait naturellement supposé, rien ne disait que cette idée tiendrait; c'était l'avantage de renverser un pouvoir établi et de créer le sien, disons. De part son rang, Sipho avait une influence certaine – mais même la naïve Souris n'était pas sûre de voir en lui un futur souverain. Elle avait beau aimer ses idéaux, elle savait que ce n'était pas comme ça que la politique marchait.

— Vous vous êtes disputés ? continua-t-elle sur le sujet, curieuse. D'habitude, on n'osait pas vraiment confronter le Prince en face à face.

— Ce n'est pas bien, ce qu'il a fait, avait répondu la Souris. mais de là à être un danger ?

Inyanga resta là, à observer Impuku. Comment pouvait-elle ne pas comprendre ? Pourquoi ne voyait-elle pas que Sipho mettait le clan entier en danger ? Étaient-ils tous aveugles face au Prince ? se voilaient t-ils tous la face ?

Inyanga ne faisait pas confiance au traître, et il fallait que le clan se rende compte du danger qu'était Sipho. Il pourrait très bien informer l'ennemi de nos faiblesses, ou bien leur donner des informations sur notre territoire, qui pourrait leur être bénéfique. Inyanga était on ne peut plus sérieuse. Le Prince a peut-être été assigné à résidence durant quelques semaines, mais depuis un moment maintenant, il se promène à nouveau comme ci de rien n'était... Il peut très bien voir Jacayl en cachette de nouveau...

Rien de d'imaginer cela, Inyanga sentait ses griffes se planter dans le sol, imaginant que c'était Sipho, ou bien cette garce de Jacayl. Elle ne pouvait pas rester sans agir... Vous vous êtes disputés ?

Inyanga sortit de ses pensées, mettant quelques instant avant de répondre à la Souris. En effet, il y'a quelques jours, le Prince est venu me voir et je lui ai dis ce que je pensais de sa façon de se comporter. Il a même osé me dire qu'il n'avait aucun compte à rendre à notre Mère ! Te rends tu compte de ce que cela signifie ? Il n'hésiterait pas à trahir sa mère, celle qui lui a donné la vie, et qui a sauvé tout notre clan, et tout cela pour une Cidanka... Toujours choquée des paroles qu'avait pu lui dire le Prince, Inyanga avait les yeux grands ouverts, fixant Impuku.

- Il apportera le chaos sur nous si personne ne fait rien.

Impuku n'avait jamais pensé que Sipho puisse les trahir; il prêchait tant la paix que jamais l'idée qu'il veuille en réalité faire gagner les Cidanka ne lui avait effleuré l'esprit. Et si la paix dont il parlait signifiait la reddition, et la souveraineté des Légionnaires sur les Nobles ? Et si, pour éviter les conflits et la guerre, les Khomba devenaient les esclaves de leurs ennemis ? Était-ce ce que craignait Inyanga ? Était-ce la solution du Prince ?

Impuku afficha une expression inquiète : ce qu'Inyanga lui disait la travaillait réellement. Et le fait que Sipho témoigne ouvertement de si peu de respect envers leur Mère n'était pas des plus rassurants. Pour autant, Impuku n'était qu'une minuscule souris coincée dans les engrenages de la guerre, bien trop puissants pour elle.

— Mais... Mais qu'est-ce qu'on peut faire ? couina-t-elle avec inquiétude à son aînée. Elle n'était même pas encore adulte et Sipho, lui, était un mâle accompli – sans compter qu'il restait un Prince. Inyanga disait qu'il fallait faire quelque chose, mais quoi ? Que pouvaient-elles faire, elles deux ? Elles n'étaient que deux jeunes lionnes, même pas membres de la Cour, qui n'avaient jamais rien accompli d'assez remarquable pour donner du poids à leur parole...

Si, au début de la conversation, Impuku semblait septique concernant les dires de Inyanga, celle ci avait réussi à attiser la curiosité de la femelle au pelage clair. Ou peut-être la peur ? Qui sait ? Toujours est-il que Impuku était maintenant beaucoup plus encline à écouter son aînée. Et tout cela était une bonne chose, car il fallait que le peuple ouvre les yeux sur le traître Sipho.

— Mais... Mais qu'est-ce qu'on peut faire ? Demanda la Souris, inquiète. Inyanga l'ignorait. Elle n'était pas Dame Inqaku, et ne faisait même pas parti de la Cour. Qui accepterait de la croire ? Pourtant, elle ne pouvait pas rester là sans agir. Il fallait faire quelque chose.

- Peut-être faudrait-il qu'il tombe amoureux d'une lionne du clan ? Mais comment ouvrir les yeux à cet abruti qui n'avait d'yeux que pour sa dulcinée du clan ennemi ? Ou bien en parler à Dame Inqaku, ou sinon... Si il ne reste aucune autre solution, il faudrait en venir à des moyens plus... radicaux. Mais bien-sûr je n'ai pas envie d'en arriver jusque là. Précisa Inyanga qui n'avait pas envie de s'attirer des ennuis. Sipho doit ouvrir les yeux coûte que coûte, en tant que fils de notre Déesse, il doit comprendre que le clan passe avant tout le reste.

Tout ceci était bien trop complexe aux yeux d'Inyanga qui n'était pas habituée à donner de sa personne de cette façon. Réfléchir, c'était vraiment creuvant... Mais, si Impuku comprenait l'importance de cette information, alors les efforts d'Inyanga ne seraient pas vains. Encore fallait-il que la seconde femelle soit réceptive au message d'Inyanga.

— Peut-être faudrait-il qu'il tombe amoureux d'une lionne du clan ? Impuku inclina encore la tête, dans une mimique interrogative. Le faire tomber amoureux de quelqu'un d'autre ? C'était... plus stratégique que ce qu'elle aurait imaginé. Et pourtant, ça ne semblait pas bête : si Sipho tombait amoureux d'une autre lionne avec autant d'intensité que sa façon d'aimer Jacayl, alors assurément, il ne les trahirait pas ! Mais, aussi maligne sonnait l'idée, elle semblait aussi impossible à réaliser. Il faudrait être une sacrée bonne séductrice pour réussir un tel coup de maître !

— Ou bien en parler à Dame Inqaku, ou sinon... Ça semblait déjà plus réalisable, mais Impuku ne savait pas si aller médire sur le Prince auprès de sa propre mère était une si bonne idée que ça... Ne serait-ce que par égard pour elle, les Nobles devaient à Sipho un certain respect. Si il ne reste aucune autre solution, il faudrait en venir à des moyens plus... radicaux. La bouche d'Impuku s'arrondit dans un "o" de surprise. Mais bien sûr je n'ai pas envie d'en arriver jusque là. Sipho doit ouvrir les yeux coûte que coûte, en tant que fils de notre Déesse, il doit comprendre que le clan passe avant tout le reste.

Venait-elle tout juste de menacer le Prince ? Inyanga avait beau avoir essayé de se rattraper, Impuku ne pouvait pas passer au-dessus de ça aussi facilement. Qu'il soit Prince ou pas, qu'il fasse des erreurs ou pas, Sipho restait un Khomba – et c'était surtout ça qui inquiétait la Souris : Inyanga était-elle prête à faire taire tout Khomba qui n'allait pas dans son sens ? Qui serait le traître, dans ce cas ?
— Hum... Je suppose que c'est à la Dame de gérer ça, de toute façon. Il valait mieux qu'Inyanga n'essaie pas d'agir en électron libre, et si Inqaku la surveillait, alors Impuku supposait que Sipho n'avait rien à craindre. Mais tout de même, elle n'aimait pas savoir que certains membres du clan fomentaient à ce point sur leurs propres congénères. Il y avait bien assez de guerre dans leur vie pour en créer une interne au clan !

Un peu mal à l'aise, la Souris se remit à grignoter le volatile.
— Tu sais... reprit-elle après un petit moment. Je ne pense pas qu'il soit si buté que ça. Je ne lui ai jamais vraiment parlé, mais je suis sûre qu'il peut être raisonné. Il avait le sang d'Inqaku dans les veines, après tout ! Et Impuku préférait d'abord réfléchir aux solutions les plus pacifistes qu'aux plus radicales. Qui sait, peut-être oserait-elle enfin lui adresser la parole ?

Inyanga ne passa pas à côté de l'air choqué de Impuku lorsque elle avait entendu Inyanga parler de moyens radicaux. Pourquoi fallait-il que les Khomba refusent de voir la vérité en face ? Sipho était dangereux, et si personne ne faisait rien, le clan courait à sa perte. Hum... Je suppose que c'est à la Dame de gérer ça, de toute façon.

La solution de facilité. Inyanga venait de comprendre que la Souris ne comptait sûrement pas prendre parti, ni faire quoique ce soit pour arrêter Sipho le traître. C'était peine perdue, Inyanga le savait. Sans doute. Répondit-elle à la plus jeune.

Déçue, Inyanga venait de comprendre que protéger le clan du danger n'était pas simple, surtout quand ce danger se trouvait être le fils de Dame Inqaku... Elle n'ajouta donc rien, pensant que la conversation s'arrêterait là. Mais, à la grande surprise de Inyanga, la Souris reprit la parole.

— Tu sais... Je ne pense pas qu'il soit si buté que ça. Je ne lui ai jamais vraiment parlé, mais je suis sûre qu'il peut être raisonné.

Inyanga poussa un petit grondement, qui n'était pas destiné à Impuku elle même, mais plutôt à Sipho. La femelle repensa à la discussion qu'elle avait eu avec le mâle, et qui avait prouvé que celui ci ne changerait pas d'avis. Impuku pensait-elle vraiment ce qu'elle disait, ou voulait-elle simplement s'en convaincre elle même ? Difficile à dire. Mais Inyanga était persuadée que le mâle ne changerait jamais d'idée.

- Tu as peut-être raison Impuku, mais lorsque j'ai eu cette conversation avec Sipho, j'ai très bien vu qu'il ne semblait pas décidé à abandonner cette Jacayl. Et j'ai également compris que sa mère n'a aucune importance à ses yeux... Elle se tut un instant avant de continuer. Tout comme toi, je ne veux pas de guerre entre Khomba, nous avons déjà suffisamment à faire avec nos ennemis. Mais... Reste à savoir si Sipho sera de notre avis.

Inyanga s'arrêta là. Elle était déçue de voir que Impuku ne comprenait pas. Bien-sûr, elle garda son opinion pour elle, et fit comme ci tout cela lui importait peu. Elle ne savait pas comment faire pour aider le peuple Khomba, et arrêter la traîtrise du Prince. Peut-être qu'elle ne pouvait rien y faire après tout, Sipho était un Prince, et elle, elle n'était qu'un membre parmi tant d'autres.

- Désolée de t'avoir inquiété avec mes histoires. Dit-elle avec un sourire. Je suis sûre que notre Mère prendra la bonne décision pour le Prince.

Inyanga essayait surtout de se convaincre elle même, mais le doute persistait. Elle décida donc de quitter les lieux pour prendre le temps de réfléchir seule. Après avoir salué la Souris, Inyanga sorti du Refuge.

— Tu as peut-être raison Impuku, mais lorsque j'ai eu cette conversation avec Sipho, j'ai très bien vu qu'il ne semblait pas décidé à abandonner cette Jacayl. [...] En même temps... était-il possible de le faire changer d'avis en une seule discussion ? Ce serait trop beau ! On avait rabâché à Impuku maintes et maintes fois qu'elle devait s'entraîner au combat, tant et si bien qu'elle était à présent insensible à ces remarques. Elle supposait que c'était pareil pour Sipho : plus on lui disait de s'éloigner de Jacayl et moins il l'entendait. S'il fallait lui en parler, alors il fallait être fin; et qui de plus fine qu'une Souris ?

Elle écouta toute la tirade d'Inyanga, et préféra finalement en conclure que la lionne était trop pressée. Trop hâtive dans ses jugements et trop prompte à foncer sans vraiment mesurer toutes les conséquences de ses actions. Pas assez réfléchie, sans aucun doute. Mais peut-être était-ce mieux qu'être réfléchie à l'extrême et de ne jamais agir ? Encore une fois, Impuku se garda de la juger, et pinça les lèvres pour ne rien dire.
— Désolée de t'avoir inquiétée avec mes histoires. Je suis sûre que notre Mère prendra la bonne décision pour le Prince.
— Oh non, ne t'en fais pas. Merci de penser au clan.

Si les paroles de son aînée avaient pu la surprendre, Impuku n'en restait pas moins plaisante et polie. Elle la gratifia d'un sourire en guise d'au revoir et décida de rester un peu dans le refuge à présent vide de toute présence, hormis la sienne. Le temps de finir le repas gracieusement offert et, aussi, de réfléchir – car elle aussi avait besoin de penser, dorénavant.