Le soleil venait de cacher le bout de son nez lorsque Inyanga se décida à sortir de sa tanière pour aller profiter de l'air frais du soir. Elle devait chasser un peu, mais, ne changeons pas les habitudes, la jeue femelle n'était pas réellement d'humeur à participer à une partie de chasse. Elle se rendit donc au bosquet, puis s'installa sous un arbre pour commencer un brin de toilette. Autour d'elle, les proies affluaient tranquillement, faisant leur petite vie sans se soucier du danger environnant.

Alors qu'elle aurait pu attraper un lapin ou deux, voir même de plus grosses proies, Inyanga resta là, immobile, observant les alentours sans prendre le temps de réfléchir à chasser un peu. Ça attendra plus tard... Pensa t'elle. Après tout, la nuit ne faisait que de commencer, elle pourrait très bien aller chasser avant que le soleil ne se montre...

Prenant appuis sur ses pattes arrières, la lionne bondit sur le tronc qui se trouvait près d'elle et se hissa sur la branche la plus basse pour venir s'y installer. Les pattes arrières tombant de chaque côté de la branche, la femelle guettait silencieusement les membres du clan qui se dirigeaient vers leurs tanières. Seul son regard reflétant le clair de lune pouvait trahir sa présence. Mais qui viendrait ici à cette heure tardive ?

Toujours dans son arbre perché, Inyanga observait les alentours, remarquant Ayo'Adem s'approcher de la forêt. Celui ci ne mit pas longtemps avant d'attraper un lapin et l'avaler tout rond. Silencieuse, Inyanga observa la scène sans rien dire. Elle voulait être tranquille. Malheureusement, ses yeux avaient trahis sa position, et Ayo'Adem remarqua la jeune lionne posée sur sa branche.

- Vous n’allez pas dormir, Mademoiselle ?

Le mâle avait maintenant les yeux rivés vers Inyanga, qui ne répondit pas aussitôt, fixant le lointain. Elle n'aimait pas beaucoup la compagnie des mâles, les trouvant prétentieux, se ventant de tout connaitre. Mais bon, maintenant qu'elle avait été repéré, elle n'allait pas esquiver son partenaire de la soirée.

- Je vous retourne la question mon chère Ayo'Adem. N'avez vous pas une petite famille à rejoindre ?

Elle venait explicitement de lui faire comprendre que sa présence en ces lieux n'était pas appréciée. Mais malgré son avertissement, la lionne descendit de son arbre avec souplesse pour venir se poser devant le mâle qui la dépassait sans problème niveau taille. Je vois que vous êtes plutôt bon chasseur... Avait-elle ensuite ajouté en frôlant le pelage du félin pour venir s'étirer au clair de lune. Pourquoi ne rejoignez vous pas le reste du clan ?

Cette fois ci, sa question ne cachait aucun mépris. Les lions du clan étaient rarement réveillés lorsque le soleil avait disparu. Inyanga appréciait d'ailleurs ces moments de calme, c'est donc pour cela que, contrairement à ses congénères, elle aimait traîner seule le soir.

Inyanga sentait la tension monter lorsqu'elle s'approcha pour effleurer le pelage de Ayo'Adem. Cela l'amusait, mais elle n'avait pas envie qu'une dispute éclate alors qu'une magnifique nuit venait de débuter. Il ne fallait pas la gâcher. Alors, la femelle s'arrêta, pour l'instant...

- La faim commençait à me tirailler, aussi ai-je dîné un lapin en attendant les chasses de demain. Voilà la raison de mon retard, encore que le clan soit loin de dormir entièrement. Inyanga fut déçue de voir que son congénère ne lui proposait rien à manger. Aucune galanterie... Les mâles d'aujourd'hui ne pensaient qu'à leur estomac, rien de plus, pensa la jeune femelle. Je vois... Répondit-elle simplement.

- Cependant, je dois avouer que la nuit s’annonce assez belle, ce soir. Peut-être vais-je veiller un peu aussi. A moins que de partager ce moment avec un autre ne vous dérange. Auquel cas je me trouverai mon propre coin.

Hm... Jouait-il les victimes pour que Inyanga le laisse rester en sa compagnie ? Peut-être.. Elle ne le savait pas réellement, mais elle acceptait la compagnie du félin. Après tout, durant une aussi belle nuit, pleine d'étoiles, il était appréciable d'avoir de la compagnie, qu'elle soit bonne, ou mauvaise.

- La forêt vous appartient autant qu'à moi, mon cher Ayo. Vous êtes libre de rester ici avec moi ou non, je ne vous force à rien. Avait répondu la femelle, amusée.

La forêt était calme, et seul le hululement des chouettes se faisait entendre à présent. Le ciel dévoilait une infinité d'étoiles, et la lune était la seule source de lumière, inondant le territoire Khomba, donnant aux quelques lions encore éveillés un air fantômatique. Et vous, pourquoi tarder à dormir, perchée dans les arbres ? Les repas sont-ils plus simples d’accès pour vous également ?

Inyanga continua d'observer le spectacle lunaire, avant de se tourner vers Ayo'Adem pour lui répondre. J'aime profiter du calme de la nuit. Personne pour me faire des leçons de moral stupide, pas d'enfants pour venir me casser les oreilles. En bref, c'est le meilleur moment de chaque jour qui passe... Dit-elle en s'allongeant dans l'herbe qui commençait à se rafraîchir. Et en effet, la chasse est bien plus simple la nuit, avec nos pelage foncés, les proies ne nous voit pas arriver...

Inyanga cherchait toujours la simplicité, et lorsque on était un lion au pelage gris, comment ne pas profiter de l'obscurité ? Elle ne comprenait pas ces troupes de chasseurs qui allaient se fatiguer chaque jour, au soleil, à courir après des proies, alors que le soir, les proies se jetaient presque toutes seules dans la gueule de leur prédateur...

- Si chasser la nuit était plus simple que de jour, voilà longtemps que les Khomba seraient nocturnes, vous ne pensez pas ? Les ombres de la forêt sont tout aussi efficaces pour se nourrir.

Inyanga ne contredit pas le lion, mais préfère tout de même sa version des choses. Chasser la nuit, avec son pelage gris foncé, était un avantage qu'il ne fallait pas négligé. Et puis, elle savait se repérer parfaitement dans l'obscurité.

Elle bailla longuement, n'ajoutant rien à cette discussion de chasse nocturne. Elle profitait du calme et du silence qui régnait, lorsque Ayo'Adem reprit la parole. Il est rare, pour une femelle, de ne pas apprécier les petits. Peut-être changerez-vous d’avis lorsque le jour de la maternité approchera ?

Si il était bien une chose qui énervait notre femelle, c'était d'entendre parler de petits lionceaux grouillant partout, surtout lorsque l'on imaginait que ce serait les siens. Elle tourna le regard vers le mâle, la queue fouettant le sol violemment.

- Les femelles ne sont pas que de simples pondeuses. Répondit-elle sèchement. Elles peuvent être utiles autrement, sans pour autant n'avoir de lionceaux. Si au moins Inyanga pouvait-être utile autrement... Mais ça, elle ne s'en rendait pas compte.

Son regard était dur, méprisant. Elle avait horreur des lionceaux, et si un jour elle s'intéresserait à un mâle, elle espérait que celui ci ne la force pas à porter ses petits... Inyanga se radoucit après quelques minutes. Le pauvre Ayo'Adem n'y était pour rien, mais il fallait tout de même rappeler les choses de temps en temps. Inyanga n'était pas une femelle comme les autres.

Elle soupira, s'excusa, ce qui était assez rare, et demanda ensuite au lion : Avoir des lionceaux est dans vos projets j'imagine ?

La chasse n’est décidément pas le sujet de prédilection de Inyanga, qui l’esquive totalement… avant de réagir brutalement aux dires de Ayo’Adem, à propos des enfants. Sa queue se fait furieuse et battante, son regard venimeux.

« Je n’ai pas dit cela. »

Quelle réaction de vierge effarouchée ! Dès lors que les lions parlent de progéniture, leurs homologues féminins s’imaginent être rabaissées au contenu de leurs entrailles, et surtout, comme inférieurs à cause de cela. Bien au contraire pour Ayo’Adem, qui, lui, chérit la capacité des lionnes à porter la vie. Un silence pesant s’installe durant lequel Inyanga ne décolère pas. Son interlocuteur n’ose pas contester à voix haute… jusqu’à ce qu’elle soupire en murmurant quelques excuses.

La glace brisée après ce froid inattendu, Inyanga retourne en quelques sortes la précédente question à son camarade clanique. Si avoir des lionceaux fait partie du futur de Ayo’Adem ? La réponse ne se fait pas prier.

« Bien évidemment ! Peut-être pas avec vous, si c’est ce qui vous fit peur. » Il tarde quelques secondes avant d’expliquer son propre point de vue, non pas pour faire changer Inyanga d’avis, mais simplement qu’elle comprenne le sien. « Il est de notre devoir de prolonger nos lignées. Comment les générations futures résisteront-elles aux Cidanka si nous sommes trop égoïstes. Vous devriez être fière de votre don, non pas vous en offusquer. En quelques sortes, vous avez le pouvoir sur nous, les mâles. »

Le cadre de nuit n’est pas la seule particularité de la scène, tout compte fait.