Casaan était loin de toutes les considérations de ses aînés. Elle ne savait pas ce qu'était la guerre ou l'entraînement et s'il lui arrivait de voir de loin quelques Toubibs à l'oeuvre, elle n'avait là qu'un bref aperçu de ce qui l'attendrait, venant nourrir ses fantasmes et ses peurs de chimères. L'esprit ailleurs, comme à son habitude, elle se permettait de veiller tard, de temps à autre. Après tout, ni sa mère, ni sa tante ne l'empêcherait de se balader dans la Caserne, histoire de se dégourdir les pattes une dernière fois avant de dormir.

C'est en passant près de l'entrée d'une caverne qu'une voix l'interpella.

« Mais qui voilà ?! » Elle la connaissait, pas assez tout du moins pour se permettre d'être trop familière avec elle. Nahama était une étrangère, rouge comme elle, que l'on avait ramener au camp. Casaan s'approcha, intimidée, mais souriante.

« Cela me fait plaisir de te voir, tu as passé une bonne journée ? » Elle en fut presque flattée, la petite lionne à mèche et elle ne put retenir un léger gloussement. On ne lui disait pas souvent, d'ordinaire, l'on était même plutôt agacé de sa présence. Ses lèvres étirées dans un sourire faux ne firent un peu plus sincère, quoi que gênée, alors qu'elle vint s'asseoir devant l'adolescente.

« Le plaisir est partagé ! » Commença-t-elle. « J'ai passé une très bonne journée ! Tu sais, parfois c'est un peu long comme ma maman elle est pas souvent là. Mais c'est une guerrière, tu sais ? Elle est respectée et je crois que tout le monde est fier d'elle ! Ma tata, des fois, elle la réprimande mais c'est parce que ma tata elle est Centurion. Tu sais qui c'est ma tata ? » Demanda-t-elle en penchant la tête sur le côté, Nahama pouvait s'estimée heureuse que Casaan n'ait pas d'autres fabuleuses histoires à raconter, aujourd'hui.

« Bien sûr que je connais ta tata. Xajin est la centurion de ma section. Je suis allé patrouiller près de la rive avec elle la dernière fois. Ouloulou, ce que c’était dur ! Mais Xajin est une cheffe forte et exemplaire, elle nous a donner à toutes la forces d’avancer. » Et le poitrail de notre petite Casaan se gonfla soudain de fierté. Elle se tenait droite, songeant à l'image qu'elle renvoyait sur sa famille et elle ne put s'arracher de la tête l’aquatinte de sa tante, guidant ses troupes avec force et courage.

« Mais je n’ai encore jamais vu ta maman. Peut-être que je m’entrainerais avec elle bientôt. Qui sait ? Une fière guerrière comme elle devrait transmettre ses techniques secrètes aux autres pour qu’ils essayent de se mettre à sont niveau. Ne t’inquiète pas petit rouge-gorge, je suis sûre que tu vas bientôt commencer l’entrainement des légionnaires ! Tu vas voir, bientôt tu n’auras plus une minute à toi. » Casaan hocha la tête. A vrai dire, elle avait eut du mal à rester concentrée tout le long du phrasé de son amie rouge. C'est qu'elle était jeune et la fatigue la rendait bien moins attentive qu'à son habitude. Enfin ! Elle s'étira tout de même, ayant - du moins de son point de vue - compris l'essentiel.

« J'espère ! Il faut que je puisse rendre ma famille fière ! Tu sais. Dans ma famille on est tous des bons soldats et des fiers Cidanka ! Alors je veux leurs faire honneurs à tous ! » Et elle songea un instant à celui qui n'en était pas un, de fier Cidanka et son regard se voila un instant de peine. Elle ne l'avait pas connu, ce foutu lion qui avait eut l'audace de défier le Consul, elle savait que sa mère l'avait tuer de ses propres griffes et qu'elle tenait de lui beaucoup de son espièglerie.
Elle déglutit. En parler, sa mère l'en avait défendu : cela ferait d'elle une traîtresse et Casaan ne voulait pas en être une. Elle aimait son clan, sa famille et ferait son devoir.

Il fallu retrouver son sourire, le plus vite possible, pour ne pas éveiller de soupçons. Elle gloussa, même, pour signaler un simulacre de joie.

« Et ma tata, elle est comment ? Moi je veux rejoindre sa cohorte, plus tard ! Si je sais ses exigences avant, je pourrais m'entraîner en avance ! » S'écria-t-elle, innocente.

« Xajin est méga dur avec nous, mais c’est pour que l’ont soit plus forte. Si tu veux rejoindre la cohorte de la piétaille, il faudra que tu te lèves très tôt le matin et que tu sois prête à faire des tours et des tours de terrain. » L'adolescente était aussi dynamique qu'un lionceau en dépit de l'heure tardive. Elle s'agitait, donnait des coups de patte dans l'air pour illustrer ses propos et Casaan suivit chacune de ses phrases avec attention, cette fois.

« Et puis, il faudra apprendre à te battre. » Dit-elle alors qu'elle tournait autours d'elle, forçant Casaan à bouger la tête sans cesse. Nahama se dressa alors sur ses antérieurs et envoya ses pattes dans l'air, comme si un ennemi invisible s'y trouvait. Elle se laissa alors tombée en arrière et Casaan sursauta avant de glousser, amusée par les singeries de son aînée.

« et te remettre rapidement de tes blessures aussi, parce que c’est pas parce qu’on plus petit que les canonniers qu’on doit se montrer faiblard. » Elle était couchée sur le dos, l'autre rouge et si elle souriait, ce n'était sûrement pas autant que le lionceau qui ne pouvait s'empêcher de glousser par intermittence. Son rire était fait de millier d'oiseaux qui gazouillaient de concert, un rire délicat, de comte de fée. Elle n'était pas prête, la Casaan, a affronter le dur entraînement de sa tante, c'était une certitude. Elle était trop fleur bleue, trop douce pour ça.

Loin de s'en douter, cependant, elle bondit en avant, pataude de part son jeune âge. Posant ses grosses pattes d'enfant sur le torse de son adversaire de fortune, elle arbora un air fier. Comme tout ce qu'elle faisait, c'était à demi jouer, comme si Casaan n'était qu'à demie-vrai, que l'autre partie était du faux, du jeu, une poupée de porcelaine que l'on modèle en fonction du regard de l'autre.
Elle se pencha vers Nahama.

« Il faut être fort, oui, mais je t'ai quand même battue ! » Avait-elle vaincu avec honneur ? Etait-elle sortie victorieuse d'une lutte acharnée ? Certainement pas. Mais il ne lui en fallait guère plus pour affirmer être la grande gagnante de ce simulacre de bataille.

« Je pourrais le dire à Xajin ! Comme ça, tata elle me prendra directement comme apprentie, sans attendre ! »

« Ce que tu peux faire en attendant, c’est te préparer ! Fait comme moi, je chassais les scarabées, les souris et les lézards à ton âge. Sinon, demande à ta maman si tu peux venir discrètement assister aux entraînements, mais attention il ne faudra pas te faire voire. » Si Casaan eut une mine dégoûtée à l'évocation des lézards et des souris qu'elle jugea étrangement trop sales pour avoir à poser autre chose que sa gueule dessus et seulement pour les manger en temps de disette, elle redressa tout de même les oreilles face à l'évocation de l'entraînement. Peut-être que sa mère accepterait, après tout, elle voulait faire d'elle une aussi grande guerrière qu'elle, n'est-ce pas ?

« Comme ça, tu t’entraines à être discrète et les techniques de combat en même temps. Astucieux, hein ?
- Oui ! C'est très malin ! » Avança-t-elle, hochant vigoureusement la tête en dépit de son air d'ordinaire si délicat. Elle s'assit dans la poussière, penchant doucement la tête sur le côté alors qu'elle observa un instant l'adolescente en face d'elle, songeuse.

« Mais... Tu ne penses pas que si les enfants doivent pas y aller c'est qu'il y a une raison ? » Elle n'était pas réellement sûre vu qu'elle se contentait toujours de suivre les ordres. C'est qu'elle n'aimait pas se faire remarquer en mal et elle voulait, par dessus tout, être aimée. Alors si elle se mettait à désobéir ou à se rebiffer, cela risquerait d'être compromis.

« Bah euh… Ouai, c’est parce que tu es trop petite pour t’entrainer. Il n’y a encore lionceaux de ton âge auxquels te mesurer. Enfin voilà. Demande d’abord à ta maman, c’est elle qui faut écouter en premier. Et c’est elle qui sait tout ce qui est bien pour toi et pour devenir une vraie légionnaire. » Une chance pour Nahama, Casaan ne remarqua aucunement son trouble et son malaise, trop petite encore pour lire correctement sur les visages de ses camarades.
Cependant, les paroles de cette dernière lui permit une légère réflexion. Elle songea un instant à la réaction de sa mère face à sa demande et elle en vint à la conclusion suivante : si elle montrait son envie de s'entraîner, sa mère serait fière et le reste du clan la verrait peut-être comme une vrai Cidanka et non pas une future traîtresse.
Certes jeune, Casaan était déjà bien consciente de son statut au sein du clan.

« Moi, il faudrait que je m’entrainne à chasser un peu ! Ce n’est pas avec trois faisans que tu vas réussir à bien grandir petit rouge-gorge ! » La jeune lionne gloussa, les crins de sa frange étaient dressés sur sa tête par l'action de Nahama et cela l'amusa quelque peu. Elle glissa une patte soigneuse dessus pour la rabattre sur son front.

« Mais tu sais, trois faisans c'est déjà beaucoup ! » Glissa la petite lionne, hochant délicatement la tête. Elle ne se sentait clairement pas capable de manger plus, tiens.