A force de gambader durant six mois dans les alentours bordant le campement, Theluji avait finit par connaitre comme sa poche l'endroit. Ainsi, il n'avait eut aucun mal à trouver un renfoncement naturel sous un imposant arbre qui, pour cette nuit, lui servirait de cachette pour dormir. Il n'était en soit pas loin du campement mais il n'osait pas y retourner. Il ne voulait pas faire face à Thulrur, ne sachant pas comment il pourrait réagir à sa vue. Rien qu'en y pensant, la griffure sur sa joue droite le picotait. Il ne comprenait toujours pas son geste et ne le comprendrait jamais, il s'y était résigné. Il n'en restait cependant pas moins qu'il souffrait de ne pas pouvoir s'expliquer avec le lion brun. Il n'aimait pas ne pas comprendre mais il sentait que s'il tentait de se rapprocher, ça ne se solderait que par un échec.
Alors que faisait-il encore là ?
Le soleil était en train de se coucher et la nuit répandait son manteau sombre sur la forêt. Ce n'était pas un bon moment pour partir. Mieux valait qu'il dorme, qu'il reprenne des forces et qu'il se mette en route demain, à l'aube. Ca serait plus judicieux. D'ailleurs, il devait réfléchir par où partir. Au nord se trouvait les lions clairs violents et les M'safara, deux groupes qu'il préférait éviter.
Ça ne serait pas le nord.
L'est semblait aride et désolé ce qui n'était pas intéressant voir même dangereux pour un lion isolé.
Ça ne serait pas l'est.
Le sud semblait être une terre fertile et un endroit facile d'accès, il suffisait de suivre le court d'eau non loin mais il l'éloignait bien trop de ses montagnes enneigées natales.
Ça ne serait pas le sud
Il ne lui restait plus que l'ouest. Son idée était d'aller dans cette direction pour mettre le plus de distance entre lui, les M'safara et les lions clairs. Et, quand le moment serait opportun, il remonterait vers le nord et tenterait de retrouver son chemin. Ce n'était pas une idée si mauvaise en soit, il espérait juste qu'elle serait aussi simple à mettre en œuvre que tel qu'il l’imaginait.

Poussant un lourd soupir, son esprit carburait au quart de tour et avait clairement décidé de ne pas le laisser dormir. Se relevant finalement, s'extirpant de son trou, il se mit à vagabonder sans réel but entre la végétation. Il restait cependant sur ses gardes, à l’affut du moindre bruit, du moindre mouvement, tout ses muscles tendus vers une agression qui ne vint jamais. A la place, une odeur familière lui arriva aux naseaux. La suivant sans mal, il trouva Cerys. Ayant comme réflexe premier l'envie d'aller la voir spontanément, il se retint au dernier moment et, avec discrétion, il se mit à vérifier s'il n'y avait personne d'autre, sous couvert de la forêt l'entourant. Après de longues minutes à vérifier l'endroit sous toutes ses coutures, il se rendit compte qu'elle était seul et il finit par sortir de sa cachette.
Ne s'en rendant pas bien compte, il abordait sur le visage des traits tirés et soucieux et, s'il savait ce qu'il voulait dire à la lionne dorée, il ne savait pas comment introduire la chose. Alors, d'un air un peu pataud, il s'assit simplement, la fixant d'un air mi-curieux, mi-triste.

- Du mal à dormir ?

Le jeune lion fixa Cerys d'un air sincèrement choqué.
Comment Nihahsah avait-t-elle pu abandonner ainsi la jeune lionne ? Elles étaient pourtant proches et la femelle avait toujours montré un affection maternelle et protectrice à l'égard de l'adolescente. Alors ce choix, de la laisser livrer à elle-même perturba le jeune. Puis, rapidement, après l'incompréhension arriva la colère que serait-il advenu d'elle s'il n'était pas revenu la prévenir ? Aurait-elle erré seule dans ce monde ? Aurait-elle tenté de retourner auprès des M'safara ? Cette idée fut accompagnée d'un frisson de dégoût.
Pourtant, malgré toute la colère qu'il portait à l'encontre de la décision de l'adulte, Theluji n'en dit rien. Il écouta simplement sa compagne d'aventure, opinant de la tête quand à son inquiétude face au sort d'Ienzo. Après tout, lui aussi s'inquiétait pour lui.

Puis arriva la question qu'il ne pouvait éviter. Soupirant lourdement en détournant le regard, il répondit en un souffle :

- Je ne me suis pas battu... C'est... Thulrur...

L'aveu lui fit aussi mal que lorsqu' il s'était prit la griffure et il sentit les larmes lui pivoter de nouveau les yeux.
Secouant la tête pour reprendre contenance, il expliqua alors tout ce qu'il s'était passé à la lionne d'or.
Le rugissement, sa recherche curieuse infructueuse, son retour. Puis comment il avait découvert Thulrur et Nihahsah, comment il s'était inquiété, les pensant morts, comment il avait essayé de les réveiller et comment il s'était enfin retrouvé face à un lion furibond.
À la fin de son histoire, le jeune se sentit de nouveau vidé. Et il avait l'impression de moins comprendre le geste du mâle. Oreilles baissées, air triste, il se racla cependant la gorge pour reprendre contenance. Relevant la tête, accrochant ses yeux clairs dans les prunelles rouges de la femelle, il finit par reprendre la parole d'un air doux mais peu assuré.

- Tu vas faire quoi du coup ? Tu ne vas pas rester seule quand même ?... Est ce que... Enfin, si tu veux, tu peux venir avec moi.

La demande était partie toute seule, comme si c'était la chose la plus naturelle qui fut à proposer. Il ne voulait pas la laisser seule, pas après ce qu'ils avaient traversé durant ces quelques mois. À son sens, c'était précisément maintenant qu'il fallait se serrer les coudes.

- Je pars demain si tu veux, à l'aube. Tu n'auras qu'à demander et je te réveillerais si tu veux.