Le dernier RP

Privé Jacayl et Ienzo

La nuit tombant les rondes s'étaient renforcées aux abords du fleuve et Sipho - n'ayant pas vent des plans de sa mère - avait eu la chance incroyable de ne pas être encore tombé sur une patrouille lorsqu'il s'était faufilé hors des caves du Promeautoire. Sachant le niveau de l'eau tombé il n'avait plus qu'une idée en tête s'était d'aller revoir Jacayl et ce peu importe ce qu'il lui en couterait. Il avait été suffisamment bête pour ignorer les conseils avisés de sa mère et pour faire profil bas auprès des autres membres du clan: Il avait continué d'être le même insupportable gamin pourri gâté.

S'il était aveuglé par son obsession pour Jacayl et par sa trop grand estime de lui, Sipho n'était pas assez stupide pour hurler à tue-tête le nom de sa bien aimée en espérant qu'elle réponde. Il avait longé la rive de loin, à plat dans les fourrés, l'oeil attentif, pour se rendre dans l'un de leur habituel lieu de rendez vous. Là le Prince (déchu) s'y était montré, la tête et les oreilles basses pour tenter de se faire le plus petit qu'il soit, de se fondre dans la masse sombre de la nuit et de se soustraire aux rayons de la lune.

- Je suis là. avait-il chuchoté en s'approchant de ce qui lui semblait être une silhouette familière, prenant soin de ne dévoiler ni nom, ni émotion d'ailleurs pour que le rendez-vous semble peut-être moins suspect mais était-il seulement possible de le faire?

Let it Die
Ft. Ienzo & Sipho

Tu le ferais ?

Oh oui. Plus que jamais.

Une larme.
Une deuxième.
Ses yeux sont noyés. Nsiese, Nsiese. Jacayl réprime un cri de douleur. Ses poumons la brûlent à force de ravaler ses pleurs qui ne demandent qu’à sortir. Ses griffes la gênent dans sa progression mais la jeune lionne n’arrive pas à les rentrer. Son corps entier bouillonne, même si son sang lui est gelé. Un poing de glace s’enroule peu à peu autour de son cœur. L’hiver y vient, la caresse, la plonge dans une hibernation sans fin.
Son cerveau s’éteint.

La princesse qui s’est arrachée sa couronne louvoie dans la brume. Elle use — abuse, même — des planques offertes par les rochers. Le brouillard accueille son âme comme une mère prend son nouveau-né contre son sein ; la môme se déplace facilement, silencieusement, calmement. Ses réflexes s’affûtent à cause du vide de son esprit usé. Il n’y a guère plus qu’une machine ce soir.
Au bout d’une heure qui lui laisse le sentiment d’en avoir marché dix, Jacayl remarque enfin le lit du fleuve. Le niveau de l’eau a baissé au point de ne plus représenter un danger quelconque. L’ancienne Cidanka dépasse sa frontière. Sa frontière, vraiment ? Non, plus maintenant.

Vous avez assassiné ma sœur, pleure Jacayl en ouvrant la bouche sans qu’aucun son n’en émerge. Sa souffrance est palpable. Elle rampe partout sur sa peau. Les traits de son visage sont tirés, ses paupières rougies d’avoir versé un milliard de larmes, son nez sec à force de le frotter. Il y a plusieurs plaies qui saignent dans sa bouche ; la jeune se mord sans cesse la langue ou les joues. Ses muscles crispés car gardés en éveil pendant des jours. C’est à peine si l’ancienne Cidanka a fermé l’œil depuis l’annonce du décès. De la mise à mort.
Si Jacayl sait qu’au fond les faits reprochés étaient réels, son cœur adouci ne peut pas faire autrement que de s’insurger. Surtout que les preuves n’ont jamais été apportées. Les seules au courant de la traîtrise de Nsiese sont des Khomba et Jacayl.

La jeune lionne inspire profondément. Elle s’immobilise pour reprendre son souffle raccourci par la longue course. Sans surprise, marcher rapidement mais concentrée épuise plus qu’un rythme effréné à l’aveugle. Jacayl ne demeure là qu’une poignée de secondes avant de se glisser vers le lieu du rendez-vous où ils se retrouvent depuis des années. Extrêmement vigilante, les sens surexcités, la princesse déchue se cache dans un fourrés suffisamment dense pour la masquer malgré sa couleur.

Il ne lui faut pas attendre long pour qu’une voix familière brise le silence. Jacayl retient son souffle en embrassant les environs du regard. Sipho semble seul. Elle sort doucement de sa planque pour s’approcher du mâle. L’expression de son visage change, passant de la tension à un profond soulagement. Je suis contente de te voir, amour, murmure la princesse désormais adulte. Un sourire peiné tremble sur les lèvres. La lionne hésite un peu, puis se dit que son ami n’a aucune raison de lui refuser un contact physique. Il vaut mieux pouvoir chuchoter à son oreille pour qu’ils ne soient pas entendus. Elle rompt les derniers mètres pour l’étreindre. Son manque d’expérience se ressent dans le geste plein de gêne. Tu avais raison. Depuis le début. J’aurais dû t’écouter plus tôt. Emmène-moi, Sipho. Livre-moi aux Khomba. Je dirai tout ce que je sais.
En échange, laissez-moi me recueillir sur la dépouille de mon amie avant de mourir.

De nouvelles larmes sombrent de plus belle de ses grands yeux. Son âme n’a jamais semblé si vide, si écorchée. Comme si son essence s’enfuyait par les coups de griffes reçus par Nsiese. Ses épaules sont bientôt secouées par de longs sanglots muets. Emmène-moi. Ils sont tous cinglés.
Emmène-moi, je les hais. Plutôt mourir que de poursuivre à leurs côtés.

- Je suis contente de te voir, amour,

C'était bien elle: C'était la Jacayl dont il se souvenait. Les deux amoureux n'avaient pas pu résister à l'étreinte. Qu'il était bon de pouvoir la serrer contre soit à nouveau, de la sentir auprès de lui et contre lui. Le Prince en oubliait la haine qui le rongeait depuis trop de mois maintenant et qu'il nourrissait à l'égard de sa propre race: Elle aurait pu lui faire tout oublier et l'espace de ce court instant il n'était plus rien que son amoureux.
Puis elle finit par lui avouer et admettre qu'il avait raison, qu'il lui avait permis d'ouvrir les yeux et le Prince s'en délectait car une fois de plus il était celui qui permettait aux autres de comprendre et c'était ce qu'il serait pour son clan. La lumière. Mais rapidement les paroles de sa bien aimée avaient semblé bien plus folle que les délires de grandeurs de Sipho. Il s'était reculé pour mieux observé sa douce Jacayl, les sourcils froncés et les oreilles couchées. Elle venait de lui donner là une opportunité en or, celle d'amené la fille de l'ennemi auprès dans son camp mais il se souvenait des paroles de sa mère, la dernière fois... Capturer Jacayl ce serait déclencher la guerre et la fureur de Ksanaksan, Inqaku ne lui pardonnerait jamais et bien qu'il n'était pas du genre à vouloir se racheter une conduite au fond Sipho voulait simplement que le regard de sa mère se pose à nouveau et une dernière fois sur lui; Fier.

- Non. Avait-il chuchoté en venant coller son front contre le sien, n'exprimant rien d'autre qu'une impassible neutralité sur son visage. Ton père en serait fou de rage, la guerre ne serait que plus meurtrière... Les hostilités n'avaient pas encore démarrées et il pouvait en être soulagé mais qu'adviendrait-il de ce calme d'apparence si Jacayl venait à disparaitre? Malgré la détresse de celle qu'il aimait, Sipho n'avait pas l'empathie de vouloir l'aider à résoudre ce problème puisqu'il avait les siens qui étaient d'autant plus important: Il devait parvenir à s'imposer aux siens.
De façon tout simplement égoïste Sipho aurait voulu l'avoir auprès de lui et l'emmener mais quelque chose lui disait qu'il n'avait pas à faciliter la tache de Ksanaksan ou bien celle de sa mère.

- ... Ces informations, seraient-elles décisives? Avait finalement demandé un Sipho stoïque. Est-ce que ça valait vraiment le coup de prendre autant de risque?

Le fait qu’il l’accueille si facilement, si gentiment lui colle une boule au bide. Il l’aime assez pour la serrer dans ses bras là où son propre père n’arrive même pas à la regarder dans les yeux. Un soupir de bien-être échappe à ses lèvres. Ses paupières sont presque closes lorsqu’il recule pour la regarder. Jacayl rouvre péniblement ses billes où brillent une souffrance jamais connue jusque-là. Il y a eu des dizaines de morts depuis sa naissance mais aucune ne l’a autant affectée que celle de Nsiese.
Ses cils sont chargés de larmes qui captent les rares rayons de lumière qui parviennent jusqu’à eux. Il se rapproche à nouveau, refuse. Un gémissement de dépit caresse le silence. Jacayl comprend ses raisons quand il ose les exposer mais son cœur n’aspire qu’à la rédemption. Elle lui a promis. Elle lui a juré de la protéger. Elle a échoué. C’est la seule chose, aujourd’hui, que la princesse puisse faire pour que l’âme de Nsiese s’évapore en paix. Les Cidanka sont très affaiblis, Sipho. La gangrène nous ronge. La jeune lionne décolle leurs fronts pour recueillir ses joues entre ses paumes. Père a annihilé la cinquième cohorte. Ils étaient comme nous, amour. Ils aspiraient à la liberté ! Ils voulaient seulement fuir ce monde de colère avec leurs familles. Mais faire exécuter autant de Cidanka d’un seul coup a considérablement réduit nos effectifs. Il a cru qu’enrôler de force des Étrangers suffirait à remplacer ces lions disparus, mais ce ne sont pas des Cidanka. Ils n’ont pas suivi nos entraînements, ils arrivent souvent abîmés par leurs voyages. Ils sont parfois déjà trop âgés pour se laisser dominer par d’autres… Comme Ienzo. Quelques-uns ont réussi à fuir, je crois. D’autres ont sûrement été tués pour essayer de trahir ou s’échapper. On a vu de nombreux visages de l’Ailleurs se succéder, quelques-uns ont disparu sans prévenir. Et même quand le dogme arrive à prendre, il y a sûrement des hésitations. Comme pour Nsiese. Elle nous aimait, il me semble… mais désirait la paix.

Son souffle est court après ce long discours. Je peux décrire notre Terre. Je peux être utile. Je me fiche qu’on me fasse exécuter après, Sipho. Je veux seulement que ces ignominies cessent. Ils ont tué ma sœur ! Ma sœur ! Son visage est trempé de larmes lorsque le silence revient enfin. Elle tremble de tout son être, le pouls affolé, la peur chevillée au corps. Son avenir est fichu, Jacayl le sait. Elle ne veut simplement pas que d’autres Nsiese ou d’autres Jacayl voient le jour après elles.

(...) Je me fiche qu’on me fasse exécuter après, Sipho (...) Pour lui c'était hors de question. Il avait bu chacune de ses paroles et prêté une attention toute particulière à chacun de ces mots, mais cet infime partie suffisait à braquer le mâle. Il aurait pu accepter sa mort, son exécution mais actuellement il était loin de le vouloir; Il était hors de question qu'il perde Jacayl. Le Prince avait de nouveau enveloppé sa Princesse dans une étreinte moins passionnée que la première - l'excitation des retrouvailles étant maintenant effacé par la peur de ces nouvelles révelations -.

- ... Tu n'iras pas voir ma mère. Affirmait-il. C'était hors de question et c'était bien trop dangereux pour lui surtout qui était incapable de prévoir la réaction de sa mère; serait-elle bonne ou bien mauvaise? Ne nous condamne pas. Pas comme ça. Avait-il poursuivit essayant de songer à une solution, à un moyen de faire de Jacayl la prisonnière intouchable.

- Les miens sont autant aveuglé par la haine que ton père. Si tu rentres avec moi ils seraient capable de t'exécuter sans même t'écouter parler. S'imaginait-il, mais était-ce vraiment un fantasme? C'est une très mauvaise idée, ta disparition ou ta mort rendrait les tiens d'autant plus haineux à notre égard. Il sentait l'étaux se resserrer, il savait qu'il était prisonnier de cette révélation et de la tension actuelle de leur deux clans. Que devait-il faire? Lui intimer de rejoindre son clan comme si de rien était? Aller parler à sa mère de toutes ces nouvelles? L'emmener avec lui? Fuir? Non, aucune de ces options n'étaient acceptable pour lui. Mais en y réfléchissant, en y pensant de façon plus pragmatique voilà ce que Sipho finissait par en déduire: Si Jacayl tenait tant à la mort, si son sens du sacrifice était si grand alors ne méritait t-elle d'accéder à son souhait s'il pouvait permettre à Sipho d'en profiter? L'idée lui avait effleuré l'esprit et y avait laissé une trace incroyablement prenante. Il avait là sa rédemption.

- ... Suis moi, mais roule toi là dedans avant. Il lui avait montré un lit de boue là où coulait l'eau quelques jours auparavant. Elle passerait bien plus inaperçu dans la pénombre si elle ne portait pas la robe dorée des Cidanka. D'accord, ils auraient ce qu'ils désirent.

Il se renfrogne, la repousse à nouveau de ses paroles incrédules. Mais depuis quand est-il si lâche ? Ienzo le ferait, lui ! Jacayl en est profondément persuadée. Le mâle a osé passer par la rivière pour fuir la Terre de la Misère. Son sang ne fait qu’un tour. Son visage se déforme d’une expression revêche. S’il ne veut pas l’emmener, Jacayl ira seule ! Un autre Khomba sera sûrement plus malin ; Sipho est aveuglé par ses sentiments à son égard, c’est évident. Son cœur répète son boum-boum obsédant. Il la resserre contre lui mais la princesse déchue n’en a plus aucune envie. Il lui faut se faire violence pour ne pas le repousser avec la rage qu’il lui inspire désormais. Pourquoi ne peut-il pas la seconder ?! Pourquoi ne peut pas comprendre ?! A-t-il si peu de cœur ? Ou… il se fout de la guerre ? Lui qui parle sans cesse de paix… Ne nous condamne pas comme ça demande-t-il. Mais à quel point est-il limité ? Ils seront condamnés quoi qu’il arrive. Aucun de leurs parents ne leur cédera le droit à une idylle traîtresse. Encore moins maintenant que Jacayl s’est livrée à un jeu aussi dangereux.
Je suis morte, quoi qu’il arrive.

Au final, quand il cède, la jeune fille ne prend pas une seconde pour réfléchir. Elle s’élance vers la boue pour se rouler généreusement dedans. C’est désagréable au possible mais le manque de confort lui passe au-dessus du crâne. Elle prend soin à se maquiller généreusement, faisant disparaître chaque parcelle de sa fourrure couleur miel. Une fois parée, Jacayl ne lui laisse pas le temps d’hésiter ou de faire demi-tour. La lionne s’avance chez Khomba d’un pas vigoureux. Il faut qu’on arrive avant que les Cidanka réalisent que je me suis tirée. Si ce n’est pas déjà le cas. Elle presse le pas, se fichant éperdument de rencontrer une Patrouille Khomba. Mais Jacayl réalise que ses chances d’arriver jusqu’à Inqaku sont minces ; aussi, la princesse s’ingénie à donner un maximum d’informations à son amoureux pour qu’il puisse se faire émissaire, si jamais. O.K. Sipho, il faut vraiment que tu retiennes un maximum de ce que je vais dire.
Nos Patrouilleurs se déplacent généralement par petits groupes de trois éléments. Le plus souvent, ils se connaissent bien, sont habitués à se déplacer ensemble, à se coordonner. Il faut que vous vous méfiiez donc d’un Cidanka seul. Il peut tout à fait en cacher deux autres en embuscade. Nous avons la Piétaille qui regroupe les lions lambdas, les soldats normaux. Les Canonniers qui sont plus forts et plus imposants. Eux, il faut vraiment les éviter. Ils font de gros dégâts. Les Barbouzes qui sont souvent plus délicats, plus malingres. Ils sont chargés de l’espionnage, de l’infiltration. Enfin, les Toubibs. Ils s’occupent essentiellement des soins. Chaque Cohorte a à son sommet un Centurion, qui siège plus ou moins au conseil de Ksanaksan. Mais je ne crois pas que Ksanaksan écoute qui que ce soit, sinon il se serait douté que son idée d’enrôler n’importe qui était vouée à l’échec. Elle reprend péniblement son souffle en marchant. Nous sommes favorisés la nuit à cause du brouillard. Les Cidanka arrivent à s’y dissimuler à force d’entraînement. Si vous devez mener une attaque, il vaut mieux pour vous que vous le fassiez de jour. Même si vous serez vous-mêmes vus, cela vous évitera les mauvaises surprises. Comme je l’ai dit, un Cidanka peut tout à fait en cacher deux autres.
Ensuite, la caserne est plus ou moins située au milieu de notre territoire. Tu m’écoutes, Sipho ?! Il faut vraiment que tu retiennes tout. Inqaku pourrait utiliser ces informations pour faire pression sur Cidanka. Bref. Le plus rapide pour arriver jusqu’à la caserne, c’est en coupant le petit bosquet qui borde la rive, puis de rejoindre la plaine mais celle-ci offre peu de cachettes. Essentiellement des rochers qui sont bénéfiques de nuit ou dans la brume mais pas en plein jour. C’est un voyage à découvert. Par contre, longer les frontières vous permettrait de rejoindre une végétation plus dense où vous dissimuler. Si vous parvenez jusqu’au Charnier, vous devriez pouvoir traverser à partir de la zone la moins surveillée. Je crois, je ne suis pas sûre. Je n’ai jamais eu le sentiment qu’on veillait beaucoup à la sécurité de ce côté-là. Quoi d’autre… Quoi d’autre… Aide-moi ! Qu'avez-vous besoin de savoir ?

De quoi avaient-ils besoin de plus? Il n'en savait rien... Il n'était pas stratège et il ne se mêlait pas de la guerre, il la boudait depuis si longtemps qu'il était incapable de savoir quoi demander de plus. De surcroit il peinait à noter tout ce que Jacayl venait de lui fournir comme informations.

- Quoi d'autre, ma mère te le dira. Affirmait-il feignant d'avoir suivit la conversation et surtout le rythme soutenu de Jacayl. Il leur restait encore beaucoup du territoire à traverser et Sipho savait que même si elle semblait de bonne fois il était bien trop dangereux de ramener Jacayl jusqu'au confins de ses terres... Elle restait la fille de l'ennemi et ça même s'il l'aimait d'un amour inconditionnel.

- Il faut que je trouve quelqu'un... Je ne veux pas que tu entres en plein territoire Khomba. Tu n'aurais aucune chance. Bien qu'ils s'y enfonçaient déjà il était hors de question qu'elle s'approche du Promeautoire.

Des garde-frontières instaurés par Inqaku, Silwe en est cette nuit le représentant.
Et, manque de bol, Silwe n'est pas loin du duo... pire encore, il réussit un jet de perception qui fait que l'odeur de la boue fraîche sur Jacayl vient lui chatouiller le nez.
→ Silwe peut dès à présent intervenir dans ce Rp; il a perçu la présence de Sipho et Jacayl.

Les petits yeux sournois et les petites oreilles qui traînent ont décidé de suivre le joli couple.
De la longue tirade de Jacayl, ils n'ont pu entendre que des bribes et des phrases entrecoupées, mais est-ce si difficile de remplir les trous, dans ce contexte ? Heureusement pour eux, ni le duo ni Silwe n'ont conscience de leur présence.

C'est difficile de trouver le sommeil quand tous les rêves finissent par se transformer en cauchemars - ou plutôt, projections de souvenirs macabres. La même routine, toutes les nuits : le corps qui tressaille, le regard qui cherche, le souffle qui manque. Alors il s'exile des cavernes pour épargner les beaux songes des autres dormeurs, errant dans la nuit jusqu'au levé du jour, parfois. Il marche et marche, mais il n'arrive pas à fuir les pensées noires qui lui tourbillonnent dans le fond du crâne, la culpabilité qui lui fait courber l'échine au point où il pourrait enfouir son museau dans la terre, la rage qui s'amuse à faire des nœuds de ses entrailles.

Parce que c'est lui-même qu'il essaye de fuir.
Il ne s'est pas encore accepté comme ça.

Son oreille tique à l'écho d'un murmure, ses vibrisses frémissent d'alerte. Un autre insomniaque ? Peut-être. Il braque ses yeux dans la direction, là où une silhouette a du mal à se détacher du voile obscure, mais bien assez pour l'habitué des profondeurs qui s'avance prudemment. Bons... La dernière syllabe meurt au bord de ses babines quand son regard perce la nuit jusqu'à une deuxième silhouette, à la senteur de boue, mais aux yeux immenses et familiers. Il lui faut une seconde de battement pour comprendre, pour réaliser. Ja... Jacayl ? Il y a un million de questions qui envahissent son esprit, mais il n'a pas le temps d'en poser une seule. Ses yeux pivotent d'un coup, se mettant à fixer un point dans leurs dos.

Il n'est pas le seul à les avoir vus.

Et il approche vite, ce point dans leurs dos. La senteur de la boue fraîche a réveillé le garde-frontière qui s'avance à grands pas dans leur direction, faisant entendre son poids à chaque fois que ses pattes frappent le sol, l'éventrant du bout de ses griffes. Comme un chasseur à la poursuite de sa proie, il a l'intruse dans sa ligne de mire - si ce n'est pour s'infiltrer, alors pourquoi essayer de masquer sa trace - mais bientôt, il y en a d'autres.

Silwe ralentit l'allure quand il reconnait la silhouette de Sipho, mais il n'en a pas l'expression moins stricte pour autant. Lorsqu'il arrive à leur niveau, il prend le temps de les dévisager un par un, surtout l'intruse dont les yeux lui sont familiers, longuement croisés lors d'une chasse sabotée. Le conseiller, au courant du lien unissant le prince et la princesse, n'est pas étonné de les découvrir ensemble, mais ils ne sont plus à la rive, ils sont dans les terres d'Umzi. Qu'est-ce qui se passe, ici ? Il plisse les yeux, ordonnant d'une voix grave.

Je vous écoute.
Qu'ils parlent, et bien.

Une ombre se rapproche dans la nuit. Jacayl le sent malgré le brouillard. Son cœur accélère. Ses lèvres se ferment, ses yeux migrent vers la zone présumée où se tient celui qui les observe. Bons… Ses billes s’écarquillent. Ses cils clignent, chassant l’incompréhension. L’appréhension. Il pourrait s’agir d’un simple mirage… La voix, cependant, lui est si familière que son pouls se calme. Ils ne se sont vus qu’une heure mais il est demeuré à jamais gravé dans sa mémoire. Ienzo. La princesse pense à lui chaque jour, chaque soir. Ses paroles flottent en permanence dans son crâne comme pour remplacer l’ancien dogme qui s’est fait la malle.
Ce « Tu le ferais ? » qui la réveille la nuit, lui fait vrombir l’âme. Jacayl n’a pas menti. C’est bien pour ça que ses pas ont dépassé la frontière, que les ordres sont restés en arrière — là-bas, avec son identité. Un sourire pâle fend son profil lorsqu’il la reconnaît. Ja… Jacayl ? Hé, oui, Jacayl… L’envie de rire de la situation la prend à la gorge. C’est si ridicule. La voilà chez Khomba après avoir renoncé à sa minuscule couronne de pierre, face au traître qui a fui Cidanka un peu auparavant. Le croissant sur sa bouche fane, Ienzo a remarqué quelque chose. La môme laisse ses propres sens sonder les environs, puis reconnaît l’empreinte d’une deuxième personne inconnue dans le brouillard.

Par chance, c’est à nouveau un Khomba. Il s’approche d’eux sans agressivité. Jacayl ne fait pas l’erreur de croire qu’il est gentil. Tout en lui respire l’autorité. Il peut lui arracher la gorge d’un coup, un seul. D’ailleurs, Jacayl se rappelle avoir pensé la même chose lors de leur première rencontre, à la rive. La princesse se contente d’un salut poli accompagné d’un visage grave mais fatigué. L’usure des derniers jours apparaît soudainement sur ses traits déjà ravagés par la boue, mais aussi par les larmes qui y ont creusé des sillons propres. Je m’appelle Jacayl. J’appartenais au camp ennemi. La jeune fille cherche soigneusement ses mots. Elle a conscience que la paix repose sur ses épaules, désormais. Elle a l’impression d’être presque trop frêle pour ça. Dire que Nsiese a essayé de le faire… Son dos à elle était aussi fragile qu’une branche de saule. J’ai déserté. La princesse ouvre la bouche, seul un souffle saccadé en sort. Ses prunelles errent spontanément vers Ienzo. Je suis venue finir ce que ma sœur, Nsiese, a commencé. Quand ses orbes verts mouchetés d’or reviennent au mâle qui a ordonné des explications, ils sont noyés par les regrets. Si vous me le permettez. Je suis prête à parler aux émissaires de la Dame si celle-ci ne désire pas me recevoir. J’aurais seulement besoin que mon contact soit une personne ayant des connaissances militaires ; je suis fatiguée, il se pourrait que j’oublie des choses qui vous seraient utiles. C’est une erreur qui n’arrivera pas si je m’adresse à quelqu’un dont les questions seront suffisamment orientées pour m’aider. Jacayl s’accorde un moment de silence. Son crâne se vide peu à peu. Les choses qui lui ont paru si pressantes jusque-là s’évanouissent doucement. Son regard s’éloigne, s’éteint. Je me suis préparée à mourir. Je n’ai pas peur. J’aimerais seulement que vous m’autorisiez à lui dire adieu avant. Je sais que vous avez récupéré le corps. J’ignore ce que vous en avez fait, cependant. Même si je ne peux pas la voir, je voudrais au moins me recueillir au dernier endroit qu’elle a visité. Son âme y sera peut-être encore.

Jacayl est persuadée de lui devoir des excuses. Son amie a succombé malgré leur promesse. C’est à peine si le poids de la culpabilité la laisse respirer.

D'abord Ienzo et maintenant lui. Sipho n'était enchanté par la présence d'aucun de ces deux lions mais Silwe au moins avait l'autorité nécessaire pour les accompagner ou non. Le Prince avait laissé sa prisonnière expliquer sa condition et les raisons de sa venu; Il n'avait rien de plus à ajouter la concernant. Toutefois, une fois sa phrase terminée, Sipho s'était faufilé entre elle et Silwe.

- Il faut qu'elle voit Mère, mais certainement pas au Promeautoire. Expliquait-il au conseiller de guerre sans plus de cérémonie.

Les petits yeux sournois et les petites oreilles qui traînent ont décidé en avoir assez vu et entendu pour cette nuit; ils disparaissent parmi les ombres et ne reviennent plus.
Voilà une fouine de moins en territoire Khomba.

Par contre... une autre fouine vient d'arriver. Le problème, c'est que n'est pas espion qui veut, et surtout pas face au meilleur conseiller militaire d'Inqaku, qui en a sans doute vu d'autres passer avant elle. L'odeur familière vient le prévenir de la présence de l'intruse : il la connaît, et il n'aura aucun mal à la débusquer. Ienzo a également senti quelque chose, mais il ne connaît pas encore assez bien les Khomba pour savoir de qui il s'agit.
La fouine a cependant réussi à entendre la dernière tirade de Jacayl et l'apparent souhait de Sipho de cacher sa jouvencelle...
→ Silwe et Ienzo ont perçu la présence d'Inyanga, mais pas Sipho ni Jacayl. Inyanga n'a entendu que les dernières paroles de ces deux-là et n'a pas espionné le début du Rp.

Il écoute toutes les explications que la fille du consul peut lui fournir, sans chercher à l'interrompre. Il n'y a pas le moindre trait dans le visage du vétéran qui bouge, qui tressaute, même quand elle parle de sa désertion, elle, la propre fille de leur némésis. Il retient les informations qu'on lui donne à la volée, mais il ne perd pas de temps à réfléchir aux liens qui commencent à s'étendre pour relier les morceaux du puzzle. Une odeur familière vient lui chatouiller le museau et il retient un long soupir ; mais c'est un vrai défilé. Jetant un regard dans la direction du prince qui se met en travers de son chemin, ainsi qu'au rescapé qui s'avance aux côtés de la princesse, il ordonne d'une voix agacée.

Inyanga, au mieux d'essayer d'écouter aux antres* ! Va quérir la Dame, il y a urgence. Vous, venez avec moi. Sans plus de cérémonie, le colosse recommence à s'enfoncer dans le territoire à grands pas, vérifiant d'un coup d'oeil qu'ils obéissent ; que la traîtresse voit la dame au promeautoire ou non, ça dépendra de lui. Lorsqu'une autre silhouette khomba se détache de la nuit, il la commande immédiatement de partir à la frontière après un instant de jugement. En temps de guerre, la moindre urgence devient une affaire de vie ou de mort, alors ils ont tout intérêt à réagir vite - surtout Inyanga dont il n'a pas apprécié la tentative d'espionnage. C'est aussi le cas pour Jacayl, vers qui il se tourne une fois qu'ils arrivent à destination, à l'ombre d'une griffe. Silwe, conseiller militaire. Se présente-t-il rapidement. As-tu des informations sur les prochains plans du consul ? Car c'est le plus important, actuellement.

*écouter aux portes

Jacayl lance un coup d’œil exaspéré au prince qui essaie de jouer à Charmant pour vous sauver, ma dame. Ses lèvres retiennent un soupir désabusé. N’a-t-il rien écouté à ses diatribes ? La princesse se fout de ce qui peut lui arriver ; alors pourquoi se donner du mal ? Autant l'exhiber en place publique comme un trophée. Il deviendrait un héros pour avoir chopé la pécheresse, l’infâme fille du démon d’en-face.
Par chance, les cieux lui ont envoyé quelqu’un qui comprend l’urgence. Dès lors, Jacayl passe Sipho au second plan pour se concentrer essentiellement sur le grand mâle. Son rythme se calque sur le sien sans peine, ce qui lui offre l’occasion de parler en marchant. Ses poumons sont entraînés pour les efforts impossibles — bavarder en avançant au petit trot est une promenade de santé.

— Il faudra vous contenter de mes observations, Ksanaksan n’est pas du genre à s’épancher. Il se méfie de tout le monde. Jacayl s’enfonce profondément dans ses souvenirs pour relever un maximum de soupçons. Les centurions de chaque cohorte nous ont informé que la Piétaille — les soldats normaux — & les Canonniers — les colosses — n’avaient pas la permission de s’approcher des frontières. Ça nous a été formellement interdit. Par contre, il m’a semblé repérer du mouvement côté Barbouze, les espions. Je pense qu’il les envoie ici. Peut-être en repérage des reliefs pour juger de l’endroit où il serait le plus intéressant pour Cidanka de lancer les combats… Ou alors pour se faire une idée de vos effectifs. Comme je le disais à Sipho, le consul a dû faire annihiler la cinquième cohorte pour insubordination. Ils demandaient la permission de quitter le clan pour fuir la guerre. Des dizaines de soldats ont péri mais n’ont pas pu être remplacés comme escompté par des recrues enrôlées. De ce que j’en sais & en ai vu, il y a peu de légionnaires issus de ces rapts. Une minorité a peut-être réussi à fuir, les autres ont été abattus.
La princesse cherche sa conclusion.
— De fait, Cidanka est vulnérable du point de vue du nombre. Surtout que les Toubibs — nos médecins — se battent rarement puisqu’ils sont indispensables à l’après-guerre. Par conséquent, je pense que Ksanaksan espère trouver une faille chez vous pour compenser ces problèmes. Par contre, comme je le précisais à Sipho, méfiez-vous du brouillard. Évitez les affrontements s’il est là, ou entraînez-les sur un terrain suffisamment dangereux mais bien connu des Khomba ; nous sommes formés dès notre plus jeune âge à nous déplacer en lui. Les Barbouzes sont presque indétectables dans la brume.

Du repérage.
C'est une évidence pour lui qui a été longtemps, trop longtemps dans l'ombre d'un même tyran pour ne pas savoir comment ils fonctionnent. Même si le vétéran les prend en compte, les nouvelles informations n'apporteront pas beaucoup de changements à ses dernières directives... Toutefois, il connait maintenant la raison derrière cet enrôlement d'étrangers. Quel désastre. Ksanaksan a été trop arrogant et il en paye le prix, désormais.

D'un hochement de tête, il remercie la jeune lionne pour ses précisions. Nous sommes déjà préparés à l'éventualité. Qu'il répond énigmatiquement à l'ancienne cidanka. D'autres changements ? La cohésion de la légion a-t-elle été impactée d'une quelconque façon ? À son tour, il cherche une quelconque faille dans la forteresse déjà bien entamée de leurs ennemis. Si même la fille du consul a déserté, alors il n'est pas impossible que les légionnaires ne soient plus aussi soudés qu'avant - ou si, mais par la peur d'être annihilé à leur tour, donc rien de solide. Que le consul retiennent ses troupes est déjà une preuve de faiblesse pour des envahisseurs tel qu'eux. Mais qu'importe l'état de leurs adversaires, ils doivent continuer de se tenir prêt à les accueillir.

Maintenant, il ne reste plus qu'à patienter jusqu'à l'arrivée de la Dame.

La crinière noire de Sipho avait avalé ses oreilles. Qu'ils continuent de parler comme s'il n'était pas là. Le Prince s'était contenté de suivre dans le silence...

Jacayl l’observe à la dérobée. Ils se sont préparés qu’il annonce sans un froncement de sourcil. Elle veut bien le croire, la princesse sans couronne ; mais… Je suis entrée sans problème, non ? Puisque les pensées parasites sont inutiles, Jacayl les chasse. Il sera encore l’heure demain d’y réfléchir. Si demain se lève, bien sûr.
Silwe pose une question qui la laisse silencieuse. La jeune fille ne sait pas réellement quoi répondre ; il y a sûrement d’autres Cidanka conscients de ce qu’ils font subir mais impossible de les nommer. Elle ne les connaît pas. Ce n’est pas dans leurs us de se confier les uns aux autres — loin de là. Je l’ignore, soupire Jacayl. Mhhh… C’est difficile à dire. Avec le recul, je réalise que la manière d’élever les bébés Cidanka pour le groupe — sans amour filial ni douceur — les empêche de se développer convenablement. Ils deviennent simplement de gentilles proies qui suivent le lion. Ça laisse peu de place au libre-arbitre. On nous familiarise avec la mort des nôtres petits pour que nous ne soyons plus émus une fois confrontés au champ de bataille. C’est probablement pour ça que les adultes enrôlés sont presque impossibles à soumettre. Le dogme passe mieux chez les jeunes. Ils sont malléables, reconnaissants envers le clan qui leur donne à manger, un endroit où vivre en ”sécurité”.
Personne n’a fait grand-cas de la disparition de Nsiese… Sauf ses amis proches. Comme je l’ai dit à quelqu’un de brillant un jour, les Cidanka ne changeront pas à moins que le mouvement soit initié par quelqu’un en qui ils ont aveuglément confiance. La seule personne qui répond à ces critères, c’est Ksanaksan. Ksanaksan qui ne changera jamais, je crois.
Donc non, pas de changements. La légion a simplement continué à se préparer pour la guerre.

La jeune fille lève les yeux vers le ciel. Ils sont arrivés à destination, semble-t-il. Ses prunelles s’arrêtent vers le lieu présumé où a disparu la rive. J’espère qu’ils ne viendront pas jusqu'ici.