Comme à mon habitude, je me promenais parmi les oiseaux sur les branches des arbres, sautant d'arbre en arbre avec agilité, sans aucune crainte de tomber. Me promener à travers les branches de la forêt était mon lot quotidien, mon petit bonheur personnel. Là haut, je me sentais en sécurité, loin de tous soucis, loin des étrangers qui pouvaient parfois fouler la terre de notre forêt sacrée.

Oh ! Un papillon ! Voilà que je me mis à chasser le petit insecte multicolor, donnant des petits coups de pattes dans le vite pour ne pas le blesser involontairement. A croire qu'il prenait plaisir à jouer à ce petit jeu, puisque lorsque je le perdais de vue, il revenait se poser au dessus de mon oreille, battant délicatement de ses petites ailes avant de s'envoler de nouveau à travers les feuilles.

Tel un véritable ouistiti, j'esquivais les branches qui bloquaient mon chemin, reprenant ma petite chasse jusqu'à ce que le papillon descende vers le sol. Je me mis à le suivre, sautant de ma branche pour me laisser tomber avec grâce sur le sol couvert de feuilles de Msitu.

Mon atterissage me fit tomber droit devant Âïla, et nos museaux se trouvèrent à quelques centimètres l'un de l'autre. Oh ! Bonjour Âïla ! avais-je dis d'une voix timide et un sourire réservé, tandis que le papillon vint de nouveau se poser sur mon oreille, attendant la suite de notre petit jeu de chasse.

Le ciel a pleuré, ma douce.
Il l’a fait un long moment durant la nuit, laissant glisser ses larmes fines alors que les autres dormaient. Tu n’as pas fermé l’œil, Toi. Tu as espéré des heures durant que la voix du Professeur s’élève dans la brume ; mais il n’y a jamais eu que le fracas des gouttes sur le sol pour répondre.
L’averse est passée, mon ange.
Elle t’a laissé dépouillée d’une partie de son essence. Chaque bruine vole un peu plus de ton âme à chaque fois, semant la graine d’une future coquille vide. Par chance, tu peux compter sur Yaya — Vi’Jaya — pour remplir les creux pleins d’ombres où les démons essayeraient sûrement de se lover s’ils en avaient le temps.
Yaya y glisse de l’amour, de la joie, des rires innocents à loisir. De quoi raviver les couleurs que les flots délavent sans cesse.

Sauf que, pour une fois, Vi’Jaya n’est pas dans le coin. Tu la cherches un moment, mon amour. Tu erres dans l’école comme une âme en peine, un fantôme en quête de la personne à laquelle il est censé adresser son dernier message pour passer de l’autre côté.
Au bout d’une heure, consciente que les professeurs regardent avec plus ou moins de désapprobation le fait que tu n’aides pas, tu te décides à t’enfoncer dans la végétation luxuriante. Tu la laisses t’absorber, te digérer, te recracher ailleurs. Tes petits pas discrets ne font aucun bruit en caressant le lichen. Tu progresses facilement dans ce milieu si familier, jouant des coudes avec les buissons, circulant entre les branches basses, saluant au passage les bourgeons de la veille qui ont enfin éclos. Un sourire apaisé se répand peu à peu sur tes lèvres. Un voile de mélancolie douceâtre se dépose lentement sur l’or de tes billes.

Les minutes s’écoulent, mon cœur. Tu renonces à cueillir certaines plantes qui sont encore trop jeunes pour avoir développé leurs pleins pouvoirs curatifs ; tu sélectionnes d’autres minuscules pédoncules gorgés de sève du bout des griffes, t'assurant quand même de ne jamais abîmer le végétal lui-même. Il ne faudrait pas qu’il périsse. Tu as déjà bien avancé dans la récolte lorsqu’un grincement infime dans les feuilles te fait sursauter. Tu lèves deux yeux inquiets vers la cime pour mieux suivre la chute prodigieuse d’une lionne plus âgée. Skooma. Un sourire timide caresse gentiment ton profil. Vous voilà nez-à-nez mais cela ne t’inquiète pas outre mesure. Tu lances une œillade curieuse à la petite créature accrochée à l’oreille de l’autre Kuru. Un rire léger comme le tintement d’un verre en cristal résonne dans la forêt. Bonjour ! Qu’il est joli, dis-tu à voix basse. Tu la contournes un peu pour reluquer avidement le beau spécimen. C’est alors que tu remarques un détail. Oh… Il a un trou dans ses couleurs. S’il en perd plus, je crois qu’il se fera manger par un oiseau. Tu devrais le garder avec toi ! Personne n’osera l’embêter s’il est aux côtés d’une grande lionne, ronronnes-tu avec sensibilité.

Que tu es ingénue, Âlaïla.