Amer était le brun qui avait cogité une bonne partie de la nuit avant de finir par se montrer raisonnable en forçant son esprit à s'endormir. Ce genre d'aptitude était encore l'une des nombreuses choses qu'avait acquéri l'ex-conseiller durant ses longues années d'existence. Pourtant, désormais, il doutait quelque peu de la bienfaisance de la vieillesse. Le dicton dit qu'avec l'âge viennent maturité, recul et sagesse. Mais cela ne semblait plus être le cas ; la sénilité semblait doucement se rapprocher de lui et il était loin d'apprécier cela. Lui qui avait toujours su se rendre utile avait déblatéré bon nombre d'idioties la veille. Et il s'en voulait. Que ce soit pour ceux qui l'avaient suivi aveuglément, sans se rendre compte de la bêtise de ses propos, comme la douce Kosa, par exemple, ou encore pour sa propre crédibilité.

Mais passons. Il n'avait plus l'âge de ruminer. Et surtout plus le temps. À partir de maintenant et pour un petit moment, il l'espérait, les choses allaient s'enchaîner : d'abord la découverte d'un nouveau territoire, ensuite sa demande d'aumône auprès de ces fameux lions de la forêt et, pour finir avec le plus important, son retour auprès des siens avec, peut-être, la possibilité de mettre un terme au règne tyrannique de Mu'Awiya. Oui, un plan se dessinait peu à peu dans l'esprit de Lengo. Mais il s'empêchait d'y prêter attention pour le moment. "Chaque chose en son temps." pensa-t-il enfin tandis qu'il se dirigeait vers le point de rendez-vous que les deux explorateurs s'étaient donnés la veille au soir.

Kosa arriva quelques minutes après. La sablée semblait excitée à l'idée de se mettre en route. Le brun, quant à lui, appréhendait. Il la salua d'un lent hochement de tête.

- Mettons-nous en route sans plus tarder. Plus nous partirons tôt, plus nous aurons de chances d'éviter la chaleur des landes.

Et, à ces mots, il ouvrit la marche.
Lengo n'avait réussi à trouver autre chose qu'une vieille carcasse déjà entamée à se mettre sous la dent, ce matin-là. Son estomac se nouait déjà au vu de la route qui les attendait. Pourtant, l'ex-conseiller comptait bien ne pas se laisser abattre : qui disait "aventure", disait "découverte de nouvelles terres" et criait sans aucun doute "proies à chasser". Et plus le duo se pressait, plus il pourrait se remplir la panse pour continuer la route dans de meilleures conditions. Du moins, c'était ce que la logique du mâle lui soufflait. Mais cet endroit semblait si inhospitalier qu'un coin du cerveau du brun avait déjà quelques doutes.

Il avait entamé la marche au petit trot ; une allure tout aussi vive que profitable sur la durée. À cette vitesse, Lengo espérait qu'ils arriveraient à destination avant la tombée de la nuit. C'est alors qu'il se rendit compte que, désormais ils n'étaient plus que tous les deux. Mais surtout qu'il avait des remerciements à faire à la jeune lionne :

- Je te suis reconnaissant pour ton intervention d'hier. dit-il, solennel, le regard planté vers les reliefs au loin.