Ils n'y voyaient absolument rien.
Tout ce que Naifu sentait c'était l'herbe sous ses pattes, assez similaire à celle de Mgakundu d'ailleurs, elle n'était en rien grasse, ni même fraiche ou bien douce au touché; C'était une herbe rêche. Dans de telles conditions il était bien difficile de comprendre où l'on se dirigeait, de ne pas se perdre ou bien se foncer dedans mais deux jeunes adolescent étaient certainement bien trop jeune pour faire preuve de l'ingéniosité qui pourrait les aider à s'en sortir plus facilement.

- ... Hum. On n'y voit rien, ça pourrait justement être une bonne cachette pour de grosses proies. Ou pour de gros prédateurs. Naifu ne préférait pas y penser et d'ailleurs l'idée ne lui avait pas vraiment effleuré l'esprit. Il s'était tourné vers l'endroit où il lui semblait avoir laissé Nsiese mais il pouvait à peine apercevoir sa silhouette dans cette brume si épaisse. Gardons l'oeil ouvert... Enfin... Hum... Mouais. Il s'était rendu compte de sa bêtise et avait donc ouvert les oreilles en contrepartie et penché le museau vers le sol pour essayer d'humer une quelconque piste...

Le brouillard m'empêchait presque de voir le bout de mon museau. Alors, suivre Naifu... C'était pratiquement impossible. J'essayais de rester proche de lui, à sa hauteur, sentant sa fourrure contre la mienne, mais il suffisait que l'un de nous deux s'arrête sans que l'autre ne le remarque, et nous aurions pu nous perdre de vue. ... Hum. On n'y voit rien, ça pourrait justement être une bonne cachette pour de grosses proies. La voix du bouclé résonna à travers le brouillard tel un écho surnaturelle. Cet endroit n'était vraiment pas rassurant, nous aurions peut-être dû aller explorer ailleurs. Mais tant pis, nous étions là maintenant, et il fallait continuer. Gardons l'oeil ouvert... Enfin... Hum... Mouais.

Je pouffais de rire en entendant Naifu se rendre compte de la stupidité de sa phrase. Garder les yeux ouverts, c'est ce que je faisais depuis que nous avions entamer notre marche à travers la purée de poix, et cela n'était d'aucune utilité. Non, il fallait faire marcher nos autres sens, l'ouïe et l'odorat. Entrouvrant la bouche, j'essayais de distinguer une odeur, n'importe laquelle, pour nous indiquer une possible proie, ou même un prédateur... Bien que la deuxième option ne me plaisait guère, il fallait se rendre à l'évidence, le brouillard pouvait camoufler herbivores comme carnivores... Fais attention où tu poses les pattes, je n'ai pas envie de te voir dégringoler d'une falaise ou je ne sais quoi...

Faire attention où l'on mettait les pattes... C'était facile à dire ! Je voyais même pas mes propres pattes... Tu sens quelque chose ? Demandais-je à Naifu. J'espérais qu'il avait plus de chance que moi, et surtout un meilleur odorat, car étant une lionne du désert, j'avais beaucoup de mal à sentir quoique ce soit dans ce brouillard épais...

- Je euh-... Attend. Naifu se mit à renifler de nouveau, pendant que moi, j'essayais de regarder autour de nous, espérant voir quelque chose d'autre que la brume qui nous entourait, en vain. Ce n'est que plusieurs dizaines de secondes après avoir tenté d'observer autour de moi, qu'une odeur inconnue me prit au nez. Je n'avais jamais senti cette odeur, mais je la distinguais de plus en plus à travers le reste des effluves qui m'entouraient. Une odeur âcre et désagréable, qui semblait venir de partout à la fois. Qu'est ce que c'est que cette odeur ? Avais-je demandé à Naifu, sans me rendre compte que le jeune bouclé n'était plus près de moi. Ce n'est qu'après avoir remarqué qu'aucune voix ne m'avait répondu, que je me rendis compte que j'étais seule, perdue dans le brouillard. Naifu ? Avais-je demandé, ayant pour seule réponse, un silence pesant.

Paniquée, je me mis à trottiner à travers la purée aveuglante. NAIFU ? Avais-je crié cette fois, dans l'espoir d'avoir une réponse de mon compère d'exploration. C'est pas vrai, voilà que j'avais réussi à perdre de vue mon camarade, dans un lieu qui m'était totalement inconnu, et où je ne voyais absolument rien...

L'odeur inconnue elle, devenait de plus en plus entêtante, m’empêchant de me concentrer à retrouver Naifu... Appelant ce dernier de toutes mes forces, j'avançais à l'aveuglette, m'enfonçant plus loin encore dans l'épais brouillard...

Un vent léger fit frémir le brouillard. Sortant d'un bond des limbes obscures, un rayon de poils crème et blanc perça les nuances monochromatiques de l'endroit mystérieux.
Courant à en perde haleine, Theluji ignorait ses muscles douloureux. Ne sachant pas où il allait, il n'avait qu'une idée en tête : les semer.
Bénissant son entrainement et sa vélocité, il avait réussit à leur échapper mais il n'avait pu éviter les blessures qu'ils lui avaient infligé. Sa patte avant gauche saignait abondamment et l'élançait à tel
point qu'il savait qu'il n'aurait pas du la poser ainsi sur le sol ; son œil droit était aveuglé par un long filet de sang coulant de son front
lacéré et il avait sur la croupe plusieurs tâches rouges causées par des crocs acérés. Mais il ne devait pas s’arrêter. Il devait continuer,
jusqu'à l'épuisement s'il le devait. Mais, s'il s’arrêtait, ils le retrouveraient forcément et là... Il préférait ne pas y penser. Malgré
tout, il savait qu'il était mal barré. Il savait que son corps était fatigué malgré l'adrénaline qui lui courait dans les veines. Et, plus que tout, il savait que ses chances de survie seul et ainsi amoché était fortement réduites.
Mais pourquoi et surtout comment en était-il arrivé à ce point ?
Qui était ces tarés ? Pourquoi avaient-ils fait ça ?
Trop de questions sans réponses se bousculaient dans son esprit en ébullition. Décidant d'en faire abstraction, il continua à courir durant de longues minutes avant que sa patte gauche ne lui arrache une larme de
douleur. Réduisant l'allure, trottinant en regardant nerveusement derrière lui, il avalait l'air à grandes goulées à s'en faire exploser les poumons. Prenant conscience de la gravité de l'état de sa patte qui, du crème virait méchamment au pourpre, il se mit à boiter légèrement, tentant cependant de marcher le plus vite possible malgré ce handicape.
Tout les muscles de son corps étant tendus, il guettait le moindre bruit, ses oreilles bougeant en tout sens au moindre frémissement du
vent. Mais ça faisait un moment qu'il n'entendait rien d'autre que sa propre respiration et que les bruits étouffés par la mousse de ses pas.
Toujours nerveux, il continua son chemin avant de se statufier net.
Il venait d'entendre une voix.

Avant qu'il n'eut le temps de faire quoique ce soit, sortit du brouillard, à moins de deux mètres de lui, une femelle hagard. Sans réfléchir et ayant trop peur pour sa peau, il décida de prendre les devants, ne remarquant pas l'air perdue de la lionne. Après tout, elle était sans doute
avec eux, elle aussi... Poussant un grognement aussi menaçant qu'il pouvait le faire, rassemblant ses forces, il se rua toutes griffes dehors sur elle en un mugissement de rage.

Le sang... L'odeur du sang me prit à la gorge, camouflant toutes les autres. Tournant la tête dans toutes les directions, j'aperçu un lion couleur crème, boitant, du sang coulant le long de son oeil. Je compris alors que l'odeur sanglante qui réglait dans l'air émanait de lui. Figée sur place, je m'apprêtais à lui demander ce qui lui était arrivé, lorsque celui ci fondit sur moi en un rugissement de rage, toutes griffes dehors.

Prenant la fuite à travers le brouillard après avoir esquivé le lion blessé juste à temps, je courais sans voir où je mettais les pattes. Il était complètement fou ! Pourquoi m'attaquait-il je ne lui avais rien fait ! Comprenant que je ne devais pas crier pour ne pas alerter le fou furieux de l'endroit où je me trouvais, j'avais stoppé ma course, ventre à terre, cessant presque de respirer pour écouter les bruits aux alentours.

Bon-sang mais où se trouvait Naifu ? Il fallait absolument que je le retrouve... Et si il tombait sur le lion ? Le pire, c'est que je n'y voyais toujours rien, et que maintenant, je ne pouvais pas prendre le risque d'appeler Naifu, au cas où le lion crème reviendrait à l'attaque... Je repris donc ma route à travers la brume épaisse, accroupis, les pattes fléchies pour éviter tout bruit. J'entendis alors des pas, proches de moi... Est ce que c'était le bouclé, ou ce lion qui m'avait attaqué ? Tétanisée, je ne savais plus quoi faire... Jamais je n'aurais pensé qu'une exploration pouvait tourner de cette façon...

Reprenant ma marche silencieuse, je remarquais que les pas s'approchaient de ma direction, et le pelage doré de Naifu se dessina. Poussant un soupire de soulagement, je me mis à courir vers le mâle. Naifu, avais-je chuchoté. Il faut partir tout de suite ! Il lion vient de me sauter dessus, sans raisons ! On doit retourner avec les autres maintenant ! Ma vois était suppliante, et les oreilles bougeaient d'avant en arrière, écoutant chaque bruit qui nous entourait. J'espérais que Naifu me croirait, et qu'il déciderait de repartir en arrière avec moi. Mais dans ce brouillard, comment retrouver notre chemin ?

Pourquoi avait-elle fuit ?
Les griffes de Theluji s'étaient refermées sur du vide. La femelle avait tourné les talons sans demander son reste à grande vitesse et le jeune lion s'était mangé le sol, réussissant inextremis à retomber sur ses pattes malgré son sale état.
Pourquoi avait elle fuit ?
Cette question tournait en boucle dans sa tête alors qu'il restait bloqué, hébété par la situation. Quand soudain, d'un coup, ce fut comme une révélation : et si elle n'était pas avec eux ? Et si, il avait en vérité, attaqué une innocente ? Cette simple pensée le dégoûta profondément, s'en voulant terriblement, mais il ne s'attarda pas sur ses états d'âme. Sa peur de ses poursuivants étant toujours présente et son imagination, fertile, il cru percevoir un craquement de branche. Frissonnant de terreur, il détalla comme un lapin sans attendre.

Poussé par sa peur et son adrénaline, Theluji courrait tout en regardant derrière lui, bien plus qu'en regardant devant ses pattes. La brume de pois ne l'aidant absolument pas à y voir quoique ce soit, il n'était cependant pas en état de penser rationnellement. Ainsi, il ne vit pas non plus le lion doré à la crinière étrangement implantée qui sembla apparaître devant lui. Percutant la tête la première au niveau du flanc Naifu, il s'écroula sur le sol lourdement, n'arrivant pas à se rattraper avec sa patte blessée. Couinant de douleur, il fixa les deux lions -dont il reconnu la femelle qu'il avait attaqué plus tôt- d'un air désespéré et implorant, le souffle court.

- Attendez... Aidez-moi... S'il vous plaît...

Ne tenant pas sur place, j'attendais la réponse de Naifu, espérant que celui ci me croirait. Mais avant que je n'ai le temps d'ajouter quoique ce soit, celui ci fut percuté par un lion couleur crème, que je reconnu aussitôt. Grondant de rage devant le mâle qui venait de foncer dans le bouclé, je m'apprêtais à le menacer, lorsque celui ci nous supplia : Attendez... Aidez-moi... S'il vous plaît...

L'aider ? Il ne manquait pas de culot celui là ! Il avait osé m'attaquer, et voilà que maintenant, il nous demander de l'aide... C'était n'importe quoi ! Qui t'as fais ça? Me devança Naifu. Je ne sais pas qui lui a fais ça, mais je n'ai pas envie de le savoir. Il faut qu'on se carapate!

Je restais méfiante face au mâle crème. Mais la question de Naifu était la bonne, qui lui avait fait ça ? Devions nous le croire lui, ou devions nous plutôt nous dire qu'il avait peut-être attaqué la mauvaise personne ? Après tout, il m'avait attaqué, moi aussi, peut-être avait-il fait de même avec un autre lion... Pourquoi devrions nous t'aider ? Avais-je demandé, menaçante. Tu m'as attaqué après tout !

Mais alors que j'attendais la réponse du mâle, j'entendis d'autres bruits, encore trop loin pour les distinguer correctement, mais ils ne m'inspiraient pas confiance. Alors que je m'apprêtais à fuir sans demander mon reste, je stoppais direct mon geste. Le lion semblait vraiment en piteux état, et bien que j'étais tenté à le laisser ici, une petite voix me dicta de l'aider... Bon, aller lève toi, avais-je ordonné en poussant le mâle de toutes mes forces. On a pas intérêt à rester ici, mais une fois sortis de là, tu auras intérêt à tout nous dire, et pas d'entourloupe ! Avais-je prévenu.

Maintenant, il nous restait à nous diriger das le brouillard, pour retrouver notre chemin et retourner avec le reste du groupe... Dépêchons nous ! Avais-je ordonné, sans hausser la voix.

Se relevant en toussotant, se détachant du jeune lion avec lequel il s'était empêtré, il garda cependant sa patte gauche légèrement fléchie, souhaitant l'économiser le plus possible. Baissant les oreilles sous le grognement de la femelle qu'il avait reconnu, il ne put pas répondre au lion à l'implantation capillaire douteuse que celle qu'il avait tenté d'attaquer reprit la parole en suivant. L'air penaud et sincèrement désolé, il la fixa en parlant plus vite qu'à l'accoutumé, sous l'effet du stress et de la honte.

- C'était une erreur et je suis vraiment désolé ! Je croyais que tu étais avec eux alors ...

Dans son regard, sa sincérité était poingnante et honnête cependant, un voile de peur vint l'assombrir. Ses oreilles se redressèrent et se mirent soudainement à bouger en tous sens. Il était terrifié à l'idée de retomber sur ces lions clairs et ce fut comme si l'inconnue avait deviner ce qu'il allait dire. Se mettant à le pousser du museau, Theluji ne se fit pas prier pour avancer, se mettant à trottiner légèrement, appuyant un peu sur sa patte pour presser l'allure, faisant fie de la douleur l'irradiant.
Il fallait partir.
Il fallait survivre.

- J'vous dirais tout quand on sera à l'abri mais faut vraiment partir...