Sous l'accord explicite de Mu'Awiya, les deux adolescents Naifu et Nsiese sont partis explorer seuls les tréfonds de l'épais brouillard aveuglant qui s'étend par-delà la Plaine des Lièvres.

Une bonne heure plus tard, Naifu revient précipitamment au campement, manifestement très agité. Arrive peu après lui un adolescent inconnu, au pelage blanchâtre, épuisé et couvert de blessures fraîches. Nsiese, elle, ne revient pas.

A vous d'accueillir Naifu et Theluji ! Nul ne sait ce qui est arrivé à Nsiese, mais elle n'est plus là. Chers Msafara, vous venez d'essuyer votre première perte. Vous pouvez tous répondre à ce Rp (il se situe chronologiquement avant les deux explorations en cours), sans ordre de post défini. Vos réponses influeront beaucoup la suite des événements, alors n'ayez pas peur d'enchaîner les réponses ! De grandes décisions sont susceptibles d'être prises dans ce Rp.

Remplacerez-vous Nsiese par Theluji ? Le considérerez-vous comme responsable du malheur de votre groupe ? Pouvez-vous avoir confiance en lui et en son histoire ? Et qu'en est-il de Naifu; lui qui venait tout juste de rejoindre les vôtres et qui a assisté à la disparition de Nsiese ? Était-ce planifié ? Pouvez-vous avoir confiance en ces deux étrangers ?
Qu'en est-il de Mu'Awiya, qui a permis à des ados de partir seuls ? Va-t-il accepter la perte de Nsiese et l'arrivée de Theluji ? Et qu'allez-vous penser de lui et de ses décisions ?

C'est à vous de jouer !

Si le retour de Naifu était passé inaperçu aux yeux vigilants de Thulrur, l'arrivée de l'inconnu blanc n'eut pas du tout le même effet. Il alla se planter devant le jeune, d'une attitude qui aurait pu sembler au premier abord assez menaçante - mais au vu de la jeunesse et des blessures du nouveau venu, Thulrur se radoucit immédiatement. C'était la journée des nouvelles têtes, dites donc ! Ignorant que Naifu et Nsiese étaient partis explorer, il ne se rendit pas compte de l'absence de cette dernière.

- Tout va bien, mon grand ? fit-il au blessé, d'un ton presque paternel. Qu'est-ce qui s'est passé ? Très loin de se douter de la vérité, il s'attendait à une histoire classique, du même genre que Naifu leur avait servie quelques heures plus tôt; mais avec une échauffourée en plus. Sûrement un gamin perdu -encore un !- qui voulait rejoindre la caravane... Ce ne serait pas le premier à être arrivé dans de telles conditions. Il n'y avait sûrement rien de plus à signaler que ça.

Il avait continué à trottiner aux côtés du jeune lion, la peur au ventre. Et puis, sans trop savoir vraiment quand ça s'était passé, il s'était rendu compte qu'il ne sentait plus à ses côtés la chaleur de la bienveillante femelle. Se retournant pour essayer de la trouver, son sang s'était glacé alors qu'il avait reconnu le bruits des pas de courses qui l'avaient coursés un peu plus tôt. Tiraillé entre sa peur du groupe d'adultes et son envie de retrouver celle qui avait accepté de l'aider, il céda finalement à la première. Le cœur lourd, le remord lui grignotant l'âme, il avait suivit attivement le rouquin jusqu'à sortir du brouillard.

Face à lui s'étendait maintenant une vaste plaine pauvre. Ce spectacle l'attrista un peu bien qu'il n'en montra rien. Comment pouvait-on vivre dignement ici ? À moins que ce groupe d'inconnus étaient des nomades qui avaient décidés d'établir leur campement provisoire en ces lieux. Restant un peu en retrait, clopinant sur sa patte valide, gardant l'autre contre lui, il n'osait pas se mêler aux autres, ne sachant pas comment sa présence serait perçue. Ces lions seraient-ils bienveillants ou tarés ? Si c'était le cas, il ne pourrait rien faire et il ne ferait sans doute pas long feu mais il mettrait un point d'honneur à se battre jusqu'au bout ; un relan de fierté guerrière inculquée par son père.
Ainsi, quand un grand lion sombre à la mèche rebelle -les implantations capillaires douteuses semblaient être à la mode ici- s'approcha de lui, Theluji baissa les oreilles en arrière, hérissant quelque peu son poils, le fixant d'un air peu équivoque. Cependant, sous le ton chaleureux de l'inconnu, il se détendit un peu et prit une posture plus neutre, hochant tristement la tête.

- Pas vraiment... Ma patte me fait mal dès que je la pose et j'ai été griffé sur la croupe...

Poussant un lourd soupir, il s'assit et commença son récit.
Il fut d'une sincérité limpide. Il expliqua à l'audience qu'il avait quitté son clan dans les hautes montagnes enneigées du nord pour voyager. Durant son voyage, il s'était perdu dans le brouillard et était tombé face à cinq lions aux crinières claires. Tout d'abord affables et fort agréables, le groupe d'adultes avait essayé de faire venir Theluji avec eux, proclamant qu'ils étaient un de leur "fils". Chose fausse et que l'adolescent n'aimait pas trop, il avait tenté de les quitter poliment mais les adultes l'avaient alors attaqués.
Un frisson de terreur parcouru le jeune lion du museau jusqu'à la queue alors qu'il revivait ce passage tout en le racontant. Pour reprendre consistance, il se mit à lécher sa patte blessée avant de reprendre.
Il expliqua comment il avait croisé Nsiese et comment il l'avait attaqué, la confondant avec ses agresseurs. Puis arriva sa fuite dans le brouillard, sa collision avec Naifu et sa retrouvailles avec cette lionne qui, contre toute attente, avait décidé de l'aider. Le regard sombre, de plus en plus envahit par le remord de l'avoir laissé derrière, il acheva son récit en parlant de leur retour ici avant de sombrer dans le silence.

Il n'avait plus rien à dire. Et puis, il ne savait que dire d'autre. Maintenant était le temps des délibérations pour les autres et le jeune aventureux redoutait quelque peu ce moment...

C'était beaucoup d'informations à digérer d'un coup. Au fil du récit du nouveau venu, les Msafara les plus proches y trouvant de l'intérêt commencèrent à former une petite assemblée autour de lui. L'histoire était, finalement, bien plus sérieuse que prévue.

Mais qu'en était-il de sa crédibilité ? A son air innocent et à ses blessures, l'adolescent n'avait pas l'air d'un menteur, surtout qu'il allait jusqu'à avouer de lui-même avoir attaqué puis abandonné la chère Nsiese. Un seul ici présent pouvait confirmer ou infirmer ses dires - et Thulrur tourna lentement son regard vers Naifu.
- C'est vrai ? Vous avez abandonné Nsiese ? Sa voix vibrait de colère et d'accusations à peine dissimulées. Et pourtant, il comprenait: si, comme l'affirmait le blanchâtre, leur vie avait été en danger... Ces deux-là n'auraient rien pu faire pour se sauver. Il valait mieux perdre une seule lionne que trois membres du groupe.

Assez pragmatique pour s'en rendre compte, Thulrur laissa son regard glisser vers le sol. Non, il ne pouvait pas blâmer ces deux gamins pour la disparition de Nsiese - c'était ça, la Survie. Mais il avait tout de même besoin de savoir si le nouveau venu disait toute la vérité ou non; il ne pouvait pas lui faire confiance juste à sa bouille d'innocent.

Lui aussi, il s'était glissé aux côtés de Thulrur, aussi silencieusement qu'il en avait l'habitude. Si le retour de l'adolescent - difficile à louper avec son pelage flamboyant, l'avait déjà interpellé dû à son empressement, ce fut l'odeur de sang que portait l'étranger qui l'avait attiré jusqu'au rassemblement de lions, pour qui le choc devait être pareil au sien désormais. Nsiese avait disparu.

On vous a laissé partir seuls !? La voix du caverneux s'était élevée plus qu'elle n'en avait l'habitude, ses pupilles contractées par la gravité de la révélation s'étant rivé vers Naifu. Comment était-ce possible ? Les adultes les avaient laissé partir, sans rien dire ? Alors qu'ils n'étaient que des adolescents !? Même eux craignaient pour leur survie ici, c'était insensé !

Les oreilles d'Ienzo se couchèrent sur le haut de sa nuque, alors qu'il tourna la tête dans la direction du brouillard. Pour autant, il ne considérait pas que c'était de leur faute - ni celle du rougeoie, ni celle du blanc. Qu'auraient-ils fait, face à ces agresseurs ? Plus de perdus, sans doute.

Même s'il n'oublierait pas le silence de Naifu.

Ienzo était un roc aux côtés de Thulrur; un soutien dans la pensée commune qu'ils semblaient partager. Ils avaient la même vision de la vie et Thulrur se sentait, plus que jamais, accompagné d'un véritable allié. C'était après tout la première épreuve qu'il partageait aux côtés des Msafara, lui qui ne les avait rejoints que depuis quelques semaines à peine.

Mais qui les avait laissés partir ? Le montagneux chercha des yeux les adultes Msafara d'origine - c'était eux qui, en général, s'occupaient des décisions concernant le clan; étant donné que ce clan était le leur avant tout. Mais Nsiese, aussi bien intégrée soit-elle, et Naifu restaient des étrangers - alors, s'était-on seulement occupé de ce qu'ils faisaient ? Avaient-ils demandé l'autorisation de partir à qui que ce soit ?
De toute manière, rien ne les obligeait à demander la permission. A deux ans, on doit être assez grand pour se débrouiller un minimum et avoir un peu de jugeote - et si on n'en a pas, on meurt. Sélection naturelle. Nsiese avait tout particulièrement déjà démontré sa naïveté et son manque de jugement; sa disparition était à peine une surprise.

Thulrur, loin de pleurer la perte de sa congénère, semblait plutôt enfermer ses émotions dans un roc solide. Les excuses de Naifu lui paraissaient légitimes - il n'était, lui aussi, qu'un ado écervelé. Sûrement le prochain à y laisser la peau. Le fait qu'il semble accuser Thulrur lui passa complètement au-dessus de la tête tant ça lui semblait évident qu'à son âge, Naifu était seul responsable de ses actions. Les adultes du clan n'étaient pas les baby-sitters des orphelins adolescents - le clan lui-même n'avait rien d'une famille.

Et même s'il semblait impassible, la petite voix de Cerys lui fendit le cœur. La réponse de Naifu, encore plus. Alors, avec une pointe d'espoir, Thulrur attendit un moment dans le silence, les yeux tournés vers la plaine des lièvres et la brume épaisse s'étendant au-delà. Peut-être était-elle en effet juste en retard...

Mais non. Personne ne vint. Ce qui, au final, n'était peut-être pas une mauvaise chose. Car si les assaillants des jeunes lions se cachaient vraiment dans le brouillard... Naifu et le nouveau venu leur avaient-ils montré le chemin jusqu'aux Msafara ? Thulrur sentit un long frisson le parcourir, mais il n'y avait rien à faire : les adolescents ne pourraient pas leur garantir qu'ils n'avaient pas laissé de traces.

- Comment t'appelles-tu ? demanda-t-il finalement, d'une voix calme, au blanchâtre. Comme si ça avait une quelconque importance. Il n'avait pas répondu à Cerys, car sa question n'était pas dénuée d'intérêt : et si Nsiese était toujours en vie ? Cela valait-il le coup d'aller la chercher ? Ça, c'était au chef d'en décider - et Thulrur sentit son sang bouillir rien qu'à cette idée. Mais il ne dit rien, se contentant d'observer les blessures du malheureux; des blessures indéniablement causées par des griffes et des crocs. Espérons qu'elles ne s'infectent pas. Lui non plus n'était pas sorti d'affaire, surtout avec la mare boueuse et malade qui leur servait d'unique source d'eau...

Les messes basses de Naifu entraînèrent le froncement de sourcils d'Ienzo qui glissa un regard à Thulrur - celui-ci ignorant les accusations, avant de finalement revenir sur l'inconnu, sans rien ajouter de plus. Après leur inspection du point d'eau, il n'était plus assez incertain de la nature du montagnard pour croire qu'il était l'imbécile qui les avait poussé à s'aventurer en terrain inconnu, contrairement à certains... D'ailleurs, un coup d'oeil autour d'eux lui permit de remarquer l'absence du chef - quel merveilleux exemple faisait-il.

La question de Cerys, dont l'espérance fut presque douloureusement attendrissante, attira l'attention du caverneux qui reporta son attention sur l'horizon, là où les deux adolescents avaient émergés du brouillard.

Lui aussi, il attendit un signe.
Mais l'espoir d'un retour se perdit au fur et à mesure des secondes de silence, le rideau de brume demeurant imperturbable. Alors, il en détourna les yeux, pinçant ses babines dans un mélange de frustration et de résignation. Lui qui avait connu le sentiment de se retrouver d'un instant à l'autre dans un monde étranger, à la merci de ses dangers... Imaginer la détresse de la jeune lionne lui donna un pincement au coeur. Malgré tout, ça ne suffit pas à réveiller un élan d'héroïsme chez lui - s'il en était seulement capable. Se jeter dans la brume, corps perdu, était prendre de gros risques pour de trop maigres chances à ses yeux. Qui plus est, si le blessé avait réussi à les rejoindre... C'est qu'autre chose avait retardé ses agresseurs. Et il n'était pas difficile de savoir quoi. Nsiese était sûrement déjà perdue.

S'ils n'ont pas rattrapé leur victime, pourtant ralentie... Le caverneux reprit la parole en désignant du regard la patte abîmée du jeune mâle. Sa franchise laissait peu de place à l'émotion, même lorsque lui-même en était la proie. Mais ça, encore fallait-il le voir. C'est sûrement parce qu'ils ont été attirés ailleurs. Il coula un regard désolé à Cerys.

Mais Nsiese, elle qui était presque aussi claire que l'étranger, pourrait-elle avoir la chance - ou la malchance de rejoindre leurs poursuivants, plutôt qu'être décimé par ces derniers ? Il l'espérait, comme pas. Qui sait quel sort était réservé à ceux qui acceptaient leur patte tendue.

La voix de Thulrur coupa le sombre fil de ses pensées, ses oreilles toujours couchées se redressant à peine dans l'attente d'un nom, tandis que ses yeux se perdirent sur les crevasses traversant la peau du lion. Pourvu que l'odeur, ou les possibles traces de sang qu'il avait laissé derrière lui, ne deviennent pas les prochaines pistes de ces barbares.

" C'est sûrement parce qu'ils ont été attirés ailleurs. " Mu'Awiya n'avait rien suivit de l'échange qui venait de se dérouler, pourtant, il avait vu l'agitation et senti l'odeur du sang.
C'était d'ailleurs bien pour cela que le grand mâle avait finit par venir, faisant rouler ses muscles avec une nonchalance bien trop présente en vu de la situation. Pourtant, son visage fermé n'exprimait rien qui ne puisse montrer qu'il prenait tout cela à la légère - bien qu'il ne sache pas réellement ce qu'était ce tout cela.

Il se glissa - ou plutôt, bouscula ceux qui ne s'écartaient pas - dans l'attroupement pour enfin arriver au centre, en face du jeune nouveau-venu. Son regard dur glissa sur lui, de haut en bas, il le dévisagea. Il n'avait jamais vu pareil lion en dépit de son long voyage et ses blessures ne semblèrent pas l'inquiéter.

" Priorité est de te soigné, petit. " Souffla-t-il alors sur un ton qui n'était ni celui du reproche, ni celui de l'indulgence. Puis, il se tourna vers les autres lions, les adultes présents. Thulrur, Ienzo... Deux réfractaires à son autorité. Pourtant, le mâle attendait qu'on lui explique. Il n'avait même pas à demander, puisqu'après tout, s'il voulait pouvoir jouer son rôle de chef il fallait qu'il soit mit au courant.
Il ne fut d'ailleurs guère étonné de ne pas avoir été appelé, même si cela l'agaçait fortement, plus qu'il ne le montra.

Un détail l'interpella alors. Il tourna la tête vers Naifu qui était parti plus tôt avec Nsiese. Fronçant les sourcils, cette fois-ci, il demanda au jeune sur le même ton que celui employé avec Theluji :

" Où est Nsiese ? "

Restant silencieusement dans son coin, Theluji écoutait cependant avec attention tout ce qu'il se disait. Observant chacun des individus qui prenait la parole, il essayait de graver en sa mémoire leurs traits ; on ne savait jamais, ça pourrait toujours être utile à un moment ou un autre. Rapidement et en toute logique, les regards se détachèrent de lui pour glisser vers le rouquin à la recherche d'affirmations et d'explications de sa part. Alors que le concerné répondit en minaudant, un puissant sentiment de répulsion à son égard naquit au sein du jeune lion clair. Quelque chose, bien qu'il ne sache pas quoi, dans ses paroles sonnait faux. Certes, leur premier échange et la lâcheté dont il avait fait preuve entachait sans doute le jugement du jeune aventurier mais il ne le sentait pas ce type là. Et généralement, sur ce genre de chose, il préférait suivre son instinct.
A sa suite, une jeune lionne prit la parole avec une naïveté touchante qui, en d'autres circonstances, aurait fait sourire tristement l'adolescent. Son espoir fou était aussi touchant que communicatif et, durant quelques secondes, les discussions se turent et les cous se tendirent en direction de la brume.
Seul le lion clair resta immobile.
Si sa sauveuse avait été rattrapée par les lions fous et qu'elle s'était défendue, il ne pariait pas cher sur sa survie. En revanche, elle aurait très bien pu préférer l’enrôlement forcé à la mort. Ça laissait donc une petite chance de survie à Nsiese mais il était clairement impossible qu'elle revienne à leur suite comme une fleur.

Finalement, le lion sombre brisa de nouveau le silence, s'adressant au jeune inconnu à la grande surprise de celui-ci, lui demandant son nom. Relevant la tête, il le fixa avec une pointe d'étonnement dans le regard mais répondit tout de même docilement.

- Theluji du clan Shehe.

Question simple, réponse simple.
En suivant, un lion presque sans crinière reprit la parole à la suite de la remarque naïve de la jeune lionne. Cet attribut manquant étonna autant qu'il choqua le jeune montagnard mais il ne dit rien, se contentant d'observer la reprise des dialogues entre les lions, continuant à se lécher la patte pour nettoyer ses plaies.
Ce fut alors qu'un lion imposant fit son apparition. Aussi massif que sombre, le puissant inconnu s'attarda nonchalamment sur lui. Soutenant son regard de ses yeux clairs, une onde de soulagement parcouru l'aventureux lorsque cette montagne de muscles sous-entendit que des soins seraient possibles. Il pencha la tête poliment en avant en signe de remerciement envers ce colosse avant de reprendre la parole avec douceur, profitant d'un moment de creux dans les échanges.

- Auriez-vous un guérisseur que je pourrais voir ?

En vérité, le crème avait envie de s'occuper de ses blessures au plus vite, ne sachant que trop bien ce qui l'attendait si elles s'infectaient. S'il avait été dans sa montagne, il aurait pu trouver quelques herbes médicinales que sa mère lui avait enseigné à reconnaitre et utiliser. Mais ici, dans cette steppe désolée et plate, il n'avait rien vu qui ressemblait à ce qu'il connaissait en terme de plantes. Il espérait donc très fort que ces lions avaient en leur sein un guérisseur car la suite risquait de s'annoncer un peu ardu pour lui autrement...

Ienzo expliqua ce que Thulrur craignait silencieusement; dans un groupe, on attrapait toujours la proie la plus faible, et si ça n'avait pas été le blessé... C'est que la jeune lionne avait été rattrapée par leurs prédateurs. Mais ils restaient des lions, et Thulrur était persuadé qu'il n'était pas de vice plus immonde que celui du cannibalisme - si des inconnus avaient attaqué les adolescents, c'était sûrement parce qu'ils protégeaient leurs frontières. Un geste qu'ils auraient tous fait. Pouvait-on vraiment les blâmer ?

Le dénommé Theluji d'un clan inconnu. Il semblait encore attaché à son clan, et Thulrur se retint de lui dire qu'à présent, il serait Msafara et rien d'autre. Lui-même était dans la même situation, et sans doute d'autres parmi les Msafara étrangers. Il se contenta donc d'une réponse toute aussi simple, afin de ne pas laisser le pauvre Theluji dans l'ignorance la plus complète.
- Et moi, je m'appelle Thulrur. Ce n'était pas le moment des présentations mais Thulrur n'était pas des plus communicatifs, et il n'avait rien trouvé d'autre pour lui apporter un semblant de soutien. Comme toujours, sa voix grave fit rouler les r de son nom aux consonances lointaines.

Arriva alors Mu'Awiya, débarquant comme une fleur, s'imposant comme le rustre qu'il était en ignorant tout de ce qu'il se passait. Et en ayant l'air de s'en foutre complètement. Son arrivée irrespectueuse et désinvolte en irrita plus d'un; Thulrur le premier. Ses paroles encore plus. Le soigner ? Et il allait faire comment, le génie ? Encore une fois, Mu'Awiya avait surtout l'air de se donner un genre alors qu'il n'avait rien derrière pour l'appuyer. Il donna de faux espoirs au gamin dégoulinant de sang, qui osa demander un guérisseur. Le pauvre allait tomber de haut.

- Non. Nous ne sommes pas un clan, Theluji. Nous ne sommes qu'un groupe de survivants qui essayons de survivre ensemble. Il était désolé pour lui, mais il ne pouvait pas lui cacher la vérité, même si Mu'Awiya avait l'air de vouloir l'arranger pour qu'elle le flatte : personne ici ne pourrait soigner Theluji. Nous n'avons pas de guérisseur. Ton seul espoir est de prier tes dieux pour qu'ils te viennent en aide.

Il tourna une oreille vers Mu'Awiya qui commençait à s'en prendre à Naifu. Quitte à être celui qui annonçait les mauvaises nouvelles, autant y aller jusqu'au bout ! A voir la façon dont Mu'Awiya s'y prenait, Thulrur eut l'étrange élan de vouloir protéger Naifu, et il le devança :
- Elle n'est plus là. A son ton, il supposait ne pas devoir expliquer plus - d'un autre côté, il était persuadé que l'esprit limité et je-m'en-foutiste de Mu' aurait besoin d'une bonne heure d'explications pour comprendre la chose. Parce que Mu' n'avait pas l'air de prendre leur survie au sérieux, et que son irresponsabilité venait de causer leur première victime.

Par acquis de conscience, il se tourna à nouveau vers le jeunot blanchâtre.
- Et n'essaie pas de soigner tes blessures dans notre point d'eau. Il est malade. Il coula un regard en coin au prétendu chef, qui ignorait sûrement ce fait-là, aussi. Étant donné qu'il n'en touchait pas une.
Enfin, il se détourna du cœur de l'assemblée et alla se poster près d'Ienzo. Il avait dit tout ce qu'il avait à dire, et il supposait que Mu' allait continuer à s'en prendre à Naifu et Theluji pour en savoir plus - lui, il en avait terminé avec cette histoire. Peut-être irait-il parler à Theluji en privé un peu plus tard pour lui expliquer comment les choses se passaient ici, et voir si ses blessures étaient si terribles que ça... Voire même pour lui présenter Cerys - ils avaient l'air d'être dans la même tranche d'âge et, si Theluji devait rejoindre la caravane, autant qu'il réussisse à s'intégrer, malgré les tristes circonstances de son arrivée...

À l'arrivée de Mu'Awiya, il s'était finalement détourné de la scène pour reculer de quelques pas dans l'assemblée - Ienzo n'avait plus rien à dire, Thulrur avait résumé ses pensées. Le pauvre Theluji serait forcé à s'en remettre au pouvoir antiseptique de sa salive, ainsi qu'aux lièvres des plaines voisines pour regagner des forces. Peut-être qu'il pourrait repartir à la chasse pour lui en ramener un ? Cela ne lui coûterait rien et puis, il aurait peut-être l'occasion de lui demander plus de détails sur leurs agresseurs. Pour le peu qu'un jour, ils puissent les retrouver... Mais rapidement, le caverneux dût s'interrompre dans ses prévoyances lorsque le chef remarqua finalement l'absence de la petite Nsiese, adressant directement sa question à l'adolescent qui l'avait accompagné.
Donc, il savait ? Les sourcils d'Ienzo se froncèrent à nouveau, mais il garda le silence - pour le moment. À la place, il accueillit Thulrur à ses côtés, glissant l'ombre d'un sourire au montagnard avant de reposer son regard sur le reste des Msafara, notamment sur Naifu dont les accusations indirectes commençaient à le rendre perplexe.

Pourquoi revient-il sur ça ? Murmurant à l'attention de la Flamme, il haussa un sourcil pour témoigner de sa confusion. Il a déjà avoué. Et il n'avait pas l'air de mentir, d'ailleurs, quel intérêt aurait-il de le faire ? Avec ses plaies, Ienzo le voyait mal s'attaquer à la seule aide qu'il avait plutôt que de fuir aussi vite que ses pattes le lui permettaient. Ça n'aurait fait que réduire ses chances de survie, si ce n'était les anéantir.

Jugeant que Theluji était assez grand pour se défendre de lui-même, il redirigea son attention vers Mu'Awiya. La question qui lui brûlait les babines finit par les franchir, poussée par son scepticisme, sans qu'il ne prenne de ton particulier. Ienzo demandât, simplement.

Mu'Awiya. Tu le savais, qu'ils étaient partis seuls ?

Theluji était en train de digérer les informations cinglantes mais honnêtes que venait de lui donner le dénommé Thulrur. D'un côté, il appréciait sa franchise mais de l'autre, il en voulait un peu à ce grand baraqué de lui avoir fait miroiter quelque chose qu'il ne pouvait lui offrir. Ainsi, il devrait se débrouiller tout seul pour se soigner... Fantastique...
Ne se laissant pas démonter pour autant, son petit esprit se mit à carburer à fond. Piochant dans les enseignements secouristes de sa prévoyante mère, il se souvient qu'elle lui avait montrer comment gérer une patte mal en point avec deux bout de bois et quelques plantes semblables à des lianes. Il ne l'avait fait qu'une ou deux fois et sur une patte en parfaite santé mais il pensait qu'il pouvait refaire la même chose sur son membre tordu. Avec un peu de chance, ça l'aiderait suffisament à la remettre en place. Mais se posait le problème des matériaux : où pourrait-il trouver du bois et des lianes sur cette terre désolée ?

Tout à ses pensées, il en fut sortit par Naifu qui le fixait. Revenant à la réalité, ce fut pour avoir la désagréable surprise de voir que ce gamin essayait de lui mettre sur le dos la disparition de sa collègue. Cette simple façon de faire fut naître au plus profond du lion clair une colère sourde. Il détestait qu'on incrimine un innocent sans raison, que ce fusse lui ou une tierse personne. Foudroyant du regard le rouquin d'un air aussi furibond que condescendant, le jeune aventurier se retient cependant, ayant parfaitement conscience que le moindre écart lui serait fatal. Après tout, ce groupe d'infortunés avait littéralement sa vie entre leurs pattes.

- C'est vrai, je l'ai attaqué et je me suis déjà expliqué là dessus. Il faudrait que je sois complètement stupide pour m'en prendre une seconde fois à la seule lionne qui était prête à m'apporter de l'aide...

Marquant une pose, il ne réussit pas à résister à l'envie de tacler un peu ce type qui lui paraissait décidément de plus en plus détestable. Il nota au passage l'intervention du lion à la petite crinière qu'il apprecia et se dit qu'il le remercierait plus tard dès qu'il le pourrait.

- Au lieu d'accuser sans fondement à l'aveuglette, tu ferais mieux d'assumer ta propre lâcheté. C'est toi qui a fuit sans te retourner vers elle...

Le ton était tranchant et posé à la foi, condescendant et furieux, tenté d'une colère froide à laquelle le jeune tentait tant bien que mal de ne pas céder.

" ... Je me souviens maintenant. Nsiese était derrière toi pour t'aider à fuir, mais elle m'a dit que tu l'avais attaquée. Tu es le dernier à l'avoir vu... " Souffla alors l'accusé, cherchant à se dédouaner. Le regard impassible du mâle adulte se posa alors sur le jeune lion blanc, mais il ne sembla pas lui vouer quelque agressivité que ce soit. La seule personne qui l'exaspérait, ici, c'était Thulrur et il faisait son possible pour se contenter de l'ignorer.

" C'est vrai, je l'ai attaqué et je me suis déjà expliqué là dessus. Il faudrait que je sois complètement stupide pour m'en prendre une seconde fois à la seule lionne qui était prête à m'apporter de l'aide... " Tenta alors de se justifier le blanc, sous le regard de tous. " Au lieu d'accuser sans fondement à l'aveuglette, tu ferais mieux d'assumer ta propre lâcheté. C'est toi qui a fuit sans te retourner vers elle après tout... " Mu'Awiya écoutait, mais à dire vrai, il se fichait pas mal d'à qui était la faute. Seule une chose comptait.
C'est là que le lion sans crinière qu'était Ienzo - pas un vrai lion, selon Mu'Awiya - s'approcha de lui pour lui poser une question qui l'agaça bien plus qu'il ne le montra :

" Mu'Awiya. Tu le savais, qu'ils étaient partis seuls ?
- Oui. " Répondit-il simplement. Il n'avait aucun compte à rendre à ce lion-ci et même si c'était le cas, il ne se serait pas justifier.
Il s'avança alors de nouveau, s'approchant du duo d'adolescents assez prêt pour s'adresser spécifiquement à eux sans se montrer trop intimidant. Sur un ton calme, mais ferme, il ouvrit la gueule :

" L'heure n'est pas aux règlements de compte. Les seuls coupables sont les lions qui vous ont attaqués. " Il se pencha alors, légèrement, demandant : " Où l'avez-vous perdu, à peu près ? Il y a combien de temps ? " Et le regard légèrement absent du lion trahissait sans mal sa pensée. Il comptait retrouver Nsiese, dusse-t-il y aller seul. Il ne l'aimait pas, pas comme l'on aime une lionne, mais il elle n'appartenait à personne d'autre qu'à lui. Elle était sa proie et rien ne pourrait se mettre en travers de son chemin... Quand bien même sa décision soit déraisonnable et son comportement, fort critiquable.

Les accusations fusaient entre les deux adolescents, sous le jugement discret d'Ienzo. Thulrur n'émit qu'un petit grognement en réponse, tout à fait d'accord avec son compère - mais pouvait-on vraiment blâmer ces gamins de se jeter la faute ? Ni l'un ni l'autre ne voulait endosser la responsabilité de la disparition de Nsiese; et ils avaient bien raison, car ce n'était pas la culpabilité qui allait la faire revenir. Ce qui était fait était fait, et il fallait surtout décider de la suite des événements. Les Msafara allaient-ils continuer leur périple comme si de rien n'était ? Aller confronter leurs mystérieux rivaux, quitte à aller au suicide ? Ignorer complètement la mort présumée de la malheureuse adolescente et continuer à chercher eau et nourriture pour s'assurer un avenir, loin de cet angoissant brouillard ?

Ces questions devaient s'adresser à Mu'Awiya - mais ce fut autre chose qu'Ienzo lui demanda; et Thulrur sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Il n'y avait pas pensé et pourtant, Ienzo avait raison - pire encore ! Mu'Awiya avouait sans aucune honte. Sans aucune intelligence, aussi. Thulrur sentit une colère sourde monter en lui face à la désinvolture du guide, mais il réussit à se contenir encore un instant.

Quand Mu'Awiya revint s'en prendre aux jeunes, et que Naifu lança une énième pique à son compagnon d'infortune, Thulrur n'y parvint plus.
- C'est faux ! répondit-il à retardement, les yeux rivés sur Mu'. Ces lions n'ont probablement fait que protéger leurs frontières. Le seul coupable de la mort d'un membre d'un clan est son chef, fit-il, cinglant, en reprenant les mots utilisés par l'odieux lion. Il termina en crachant tout son dégoût pour le simple mot chef en un bon gros mollard à ses pattes. Mu'Awiya devait vraiment être un imbécile, ou n'avoir aucune conscience de ce que la survie impliquait, pour donner son autorisation à des ados de partir seuls en terrain inconnu.

C'était la première fois que Thulrur s'en prenait aussi ouvertement à Mu'. Mais les tensions bouillaient depuis trop longtemps au sein de la caravane, et cet incident semblait être ce qui allait mettre le feu aux poudres. Pourtant, Thulrur ne souhaitait nullement renverser l'ordre établi, aussi fragile soit-il. Réveille-toi, bon sang ! Si tu veux guider les Msafara, alors prends tes responsabilités ! Il parlait en toute franchise, semblant clairement ne pas s'inclure dans le terme Msafara. Mu'Awiya n'avait déjà plus aucune autorité sur les nomades, mais Thulrur ne voulait pas l'enterrer une bonne fois pour toutes; si le pire venait à arriver, il serait plutôt du genre à partir seul de son côté.

- Peu importe où ils l'ont perdue ! Tu crois qu'il y a des repères, dans ce brouillard ?! Et Thulrur savait très bien de quoi il parlait. Mais ça, sans doute Mu'Awiya l'ignorait-il également. Ça n'a aucune importance. Elle est perdue, point. Il ne pensait pas aller retrouver Nsiese. C'était, pour lui, une mission suicide à laquelle il n'était pas prêt à risquer sa peau. Je pars pour la forêt demain, déclara-t-il alors, presque sans rapport. Il savait qu'il ne serait pas seul mais, dans le doute, il ne voulait pas mêler ouvertement Ienzo et Jiwa à ça. S'il y fait bon vivre, alors j'y reste. Si j'ai une raison de revenir, alors je reviendrai. Il posa les yeux sur Theluji, ses blessures, sa patte qui semblait ne plus pouvoir soutenir son poids. J'essaierai de t'y trouver de l'eau claire. As-tu besoin d'autre chose ? De la viande, sans doute. Ou peut-être de l'écorce ou des feuilles à mâcher pour faire taire la douleur; c'était ce que les lions de chez lui faisaient quand ils étaient blessés. Il ne savait pas s'il était capable de trouver quoi que ce soit d'utile dans la forêt pour Theluji mais ça semblait être l'endroit le plus propice à la recherche de matériaux.

Oui, qu’il répondit comme s’il annonçait le beau temps. J’ai envoyé deux gosses à la mort, aurait-il directement avoué que ça n’aurait rien changé à l’impact de ses mots. Le caverneux le suivit du regard, la gueule fermée : il n’avait besoin de rien de plus, il avait déjà obtenu ce qu’il voulait. Si Mu’Awiya n’avait jamais été plus qu’un lion à ses yeux, désormais il se retrouvait à être bien moins encore.
Un danger.
Quelque chose à éliminer.

Les seuls coupables sont les lions qui vous ont attaqués ? Ienzo tourna le dos à l’attroupement, taisant un soupir nasal ô combien ironique. Ce n’était pas dans sa nature d’en faire et pourtant, rien d’autre ne lui venait au coeur que l’amertume. Ça ne serait jamais arrivé sans lui. Nsiese avait bien été l’une des seules à le soutenir dans son imposture, et c’est ainsi qu’il lui montrait sa gratitude ? Sa queue se balança derrière ses flancs, seule manifestation de son profond dégoût. C’est ça, qu’il aille jouer aux héros, peut-être que cette fois, la brume ne manquera pas de l’étouffer.

Ce fut alors qu’un éclat de voix le sortit de ses pensées ; Thulrur. Cracher aux pattes de Mu’Awiya n’était sans doute pas la meilleure réaction qu’il aurait pu avoir, mais Ienzo ne pouvait que compatir à la colère que dégageait le montagnard. D’un pas machinal, il était retourné à ses côtés, pour le soutenir une nouvelle fois - qu’importe si ce ne fut que par sa présence, un peu cachée dans l'ombre du géant. Sans vraiment y réfléchir, le caverneux avait hoché la tête quand il avait mentionné sa, leur prochaine expédition à la recherche d’eau pure.
Toutefois, il fut surpris d’apprendre que Thulrur avait envisagé de s’installer dans la forêt et lui jeta même une œillade étonnée sur le moment. Pas que l’idée lui paraissait idiote, bien au contraire - ici, il n’y avait que les lièvres pour arranger leur situation et encore, ça ne les contenterait pas longtemps... Mais il resta pris de court. Quitter le clan aussi vite ne lui était jamais venu à l'esprit jusqu'ici, et pourtant, maintenant qu'il y songeait, était-ce réellement mieux de rester avec le guide Msafara ?

Toutefois, il ne fut pas assez déstabilisé pour ne pas saisir l’occasion et proposer au blessé. Je peux te chasser un lièvre ou deux, si tu as faim. Ne pouvoir rien faire pour Nsiese était suffisamment frustrant, il ne voulait pas rester les quatre pattes plantées là.