Le temps passait trop vite.

Cela faisait déjà presque six mois que Mu'Awiya était malade et il ne trouvait toujours pas de remède. Ou plutôt, ses lions n'en trouvaient pas. Car, conscient de n'avoir aucune connaissance en médecine, Mu'Awiya se plongeait dans l'inaction, quitte à ce que cela finisse par lui coûter la vie. Il avait bien tenter, pourtant, de fouiller les champs d'herbes dans l'espoir d'en trouver une qui, miraculeusement le sauverait... Mais il s'était rapidement rendu compte qu'il se trouvait incapable de savoir laquelle pourrait être salvatrice et laquelle mortelle.

Il avait finit par abandonné. Du moins, le pensait-il. Puis, il repensa à Naifu.
Pourquoi ? Et bien parce qu'il avait chargé l'adolescent d'une mission et il lui semblait ne jamais en avoir vu la couleur. Il était peut-être mourant, mais il restait chef. Ainsi se devait-il de retrouver ce foutu gosse, lui faire comprendre qui commandait.

C'est donc à sa recherche qu'il s'aventure dans cette lande emplie de bruyères et de fleurs violettes. Ne pouvant se servir que de sa vue, il tenta de le repérer et, bientôt, aperçu une tâche orange vers laquelle il se dirigea.

En voyant Mu'Awiya s'approcher les oreilles de Naifu s'était furtivement plaquées et ses sourcils froncés. Non, il n'était pas content de le voir surtout qu'il comprenait très bien ce qu'il venait faire ici: Lui demander des comptes. L'adolescent avait donc pris les devant et alors que le monarque chavirant en faisait de même, Naifu s'était empressé de lui couper l'herbe sous le pied de sa voix mielleuse et féminine, sa démarche chaloupée et son petit air d'ange.

- Oh, vous souhaitiez me voir j'imagine. Il n'était pas avare en courbette et de ce fait en avait gratifié son interlocuteur. De toute façon il n'aurait bientôt plus à courber l'échine, le tyran allait mourir emporté par la maladie et ça Naifu en était convaincue. Ça faisait déjà plusieurs jours que Kosa et Heka étaient partie et en plus l'état du brun se dégradait à vu d'oeil. Dans le sourire bien trop angélique de Naifu l'on pouvait y lire la victoire: Il était convaincu qu'il n'avait plus rien à craindre de Mu'Awiya et s'en délectait déjà. Vous êtes certain que tout va bien? Peut-être préféreriez vous que l'on s'installe au calme? Demandait l'adolescent dans le seul but de soulager les maux de son interlocuteur et non pas pour souligner qu'il était bien au courant de son état.

« Oh, vous souhaitiez me voir j'imagine. » Affirma le garçon à l'allure de femelle. Mu'Awiya le toisa de haut, redressant la tête. Il n'aimait plus son allure, sa manière de marcher. S'il avait trouver son vocabulaire plaisant, son physique attirant, le mâle était à présent en colère et il ne pouvait qu’exécrer Naifu.
Du moins, jusqu'à ce que ce dernier lui prouve sa bonne foi et fidélité.

« Vous êtes certain que tout va bien? Peut-être préféreriez vous que l'on s'installe au calme ?
- Oui, Naifu, certain... Cet endroit est aussi calme que je le désire. » Souffla-t-il. S'il le regardait de haut jusque là, il avait allongé son encolure pour venir lui souffler ces mots sur le museau. Il empestait peut-être la maladie, mais son sourire sardonique contrastait avec son air de mourant.
Il savait que tous avait deviner son état, il ne cherchait plus vraiment à le cacher depuis ses multiples discussion avec Héka et Vana.

Sans attendre d'autres mots de son jeune interlocuteur, Mu'Awiya redressa la tête. Il commença à lui tourner autours, tanguant à la manière d'une pirogue malmenée par les vagues. Ses pas lents s'arrêtèrent légèrement derrière lui.

« Tu es jeune, n'est-ce pas ? Quel âge as-tu ?... Deux ans ? » Il haussa un sourcil, l'observant du coin de l’œil dans un infini mépris. Il plissa en suite les yeux, ricanant sans méchanceté, comme il l'aurait fait avec un compagnon de beuverie.

« Oui, ça doit être ça alors. La fougue de la jeunesse, peut-être. Tu dois être étourdie par les changements de ton corps, au fond... Par l'amour, la haine, qui se font plus grandes que lorsque tu étais un lionceau. » Alors qu'il lui cherchait des excuses, son ton calme se faisait plus cassant. « C'est peut-être pour cela que tu as oublié la seule et unique mission que j'ai eut la stupidité de te confier. »

Mu'Awiya n'était plus dupe et Naifu s'en apercevait. Son visage d'angelot ne pouvait pas le sauver à tous les coups mais ça ne l'empêcherait pas de l'afficher encore et toujours. Pendant que l'autre lui tournait autour, pendant qu'il vacillait comme une feuille prête à se décrocher de son arbre, Naifu était resté de marbre. Si son visage n'était rien de plus qu'un sourire angélique, au fond il n'était pas rassuré par le tyran bien que dans un état misérable il lui restait supérieur physiquement.

- Une mission? Minait-il d'être tête en l'air. Oh! Thulrur. C'est de Thulrur, Ienzo et Theluji dont vous parlez n'est-ce pas? Ces noms qu'on lui avait pourtant sommé de ne plus prononcer mais que - dans son insouciance juvénile - il continuait de lancer.

- Thulrur, Ienzo et Theluji, le martelait-il de ces noms avec une telle douceur, une voix si mièvre et agréable qu'ils auraient pu en perdre tout leur impact. Je ne savais pas par où commencer et ... L'impertinence avait assez duré et Naifu sentait bien qu'il avait besoin d'une porte de secours; Qui donc était le plus à même de faire preuve de temps d'empathie et de bienveillance qu'il craindrait de voir un étranger risquer sa vie? Kosa. Naifu avait ravalé sa salive comme s'il avait été compliqué de dénoncer l'une des siens d'un crime dont elle n'était même pas fautive.

- Et Kosa m'a dis que c'était beaucoup trop dangereux pour moi d'aller ainsi. Avouait-il. Elle m'a rappelé ce qui était arrivé à Nsiese et aucun de nous n'avait envie que vous soyez de nouveau pointé comme celui qui aurait envoyé un gamin au ... casse-pipe. Quelle expression vulgaire d'ailleurs, pourquoi avoir peur des mots? On envoyait les jeunes à la mort.

« Une mission ? Oh ! Thulrur. C'est de Thulrur, Ienzo et Theluji dont vous parlez n'est-ce pas ? » L'écoutant jouer de son innocence, Mu'Awiya fixait de nouveau le paysage, l'air indifférent, presque neutre. C'est qu'il tentait de savoir, de jauger. Est-ce qu'il se moquait de lui ? Ou bien était réellement étourdi à ce point ? Les deux, selon lui, méritait punition. Mais pour chaque défaut, sa peine spécifique, c'était, en plus du fait que Naifu puisse devenir une menace, le pourquoi du comment il cherchait à connaître les réelles intentions de l'enfant orangé.

« Thulrur, Ienzo et Theluji. Je ne savais pas par où commencer et... » Il marqua une pause qui n'échappa pas au faux Roi. « Et Kosa m'a dis que c'était beaucoup trop dangereux pour moi d'aller ainsi. Avouait-il. Elle m'a rappelé ce qui était arrivé à Nsiese et aucun de nous n'avait envie que vous soyez de nouveau pointé comme celui qui aurait envoyé un gamin au ... casse-pipe. » Mu'Awiya grimaça. Il trouvait le ton que prenait l'enfant désagréable, à présent, il ne supportait plus cette manière de ronronner comme s'il n'y avait rien de bien grave. Il serra les dents, relevant sa lèvre supérieur dans une expression qui signalait sans mal la colère grondante en lui.

Retiens toi... Il exhibera fièrement ses marques si tu craques, retiens toi... Murmurait sa raison. Mais le grand mâle ne l'écouta guère et d'un geste trop vif il se retourna. Un rugissement accompagna le coup de patte qu'il envoya dans l'arrière-train de Naifu. Toutes griffes dehors, il tenta de pénétrer brièvement sa chair sans pour autant en faire une blessure grave : seulement une marque dont il pourrait se souvenir.

Essoufflé, il retomba sur ses quatre pattes à côté de l'enfant. Sa respiration était erratique, difficile, tant et si bien qu'il dû attendre un peu avant de parler :

« Dis moi... Naifu... Qui, entre Kosa et moi, donne les ordres, ici ? » Il avança d'un pas, se laissant tomber de tout sous poids sur ses pattes larges. « Qui, ici, est en mesure de te châtier si tu oses le prendre pour un idiot ? » Finit les longs discours, le lion n'en avait plus la force. Ses crocs frôlèrent l'oreille de sa victime alors qu'il parlait. Que Naifu soit naïf, stupide ou bien étourdi, cela l'importait peu : il n'y avait que lui qui avait le droit d'être écouter.

RAGE

Comment avait-il osé le toucher? Naifu ne lui avait pas fait le plaisir de couiner, de se plier ou bien de montrer quelconque signe de douleur. Le mépris grandissait, la rage et la haine aussi. Il avait osé le toucher. Aux questions du mâle brun, maintenant collé contre son oreille, le jeune rouquin avait simplement tourné le regard dans sa direction. Si son visage était toujours aussi juvénile son regard quant à lui aurait pu répandre la mort.

Naifu n'était qu'un pauvre petit ange un peu tête en l'air sur les bords surement alors comment l'Autre pouvait-il se permettre une telle violence? L'adolescent avait expulsé un soupire lourd, seul signe de sa colère ou de la douleur que le coup de Mu'Awiya lui avait fait subir.

- ... Certainement pas celui qui est en train de s'écrouler. Lui avait répondu l'adolescent de sa voix doucereuse.

« ... Certainement pas celui qui est en train de s'écrouler. » Répondit-il de cette voix que Mu'Awiya haïssait. Il devait bien lui reconnaître une chose : il avait une grande force de caractère. N'importe quel lion aurait couiner ou exulter de rage, mais lui restait calme, fier. Il prenait même le temps de se moquer de lui.

Il se moquait, oui, Mu'Awiya le comprit enfin. Il avait en quelque sorte sa preuve quant au jeu ambiguë de l'adolescent. A dire vrai, il pouvait aussi bien être une tête en l'air qui ne supportait pas les coup le mâle savait qu'il y avait autre chose. S'il ne s'agissait que de ça, il se serait indigné. S'il ne jouait pas, il n'aurait pas eut cet enchaînement de comportement.

Mais le mâle était un jouer tout aussi avide que le petit Naifu et un sourire étira ses lèvres. Un sourire léger, mais lourd de menace. Il ne bougea pas, collé à lui.

« Fais attention qu'il ne s'écroule pas sur toi, petit. » Il pressa son épaule contre lui dans une menace invisible, souffla contre sa nuque en redressant la tête. « Si, comme tu dis, je suis mourant, alors je n'aurais aucun regret. Je pourrais te faire vivre les pires souffrances, les pires humiliations pour faire taire cette arrogance... »

Mais il s'écarta. Il avait encore besoin de cette graine de traître, il savait qu'il saurait se montrer utile, plus tard. Il avait des talents que Mu'Awiya ne possédait pas : il savait mentir, jouer la comédie. Peut-être le Roi Mourant devrait, à l'avenir, surveiller sa nourriture, peut-être devrait-il garder un œil sur la langue déliée du petit orange, mais il ne pouvait détruire un aussi grand potentiel.

RAGE

Il avait raison de la détester car il ne méritait ni le respect ni l'admiration que certain lui vouaient, Mu'Awiya. Le rouquin avait simplement esquissé un sourire enfantin, l'adressant à celui qui était en train de le malmener.

- Vous devez avoir beaucoup de fièvre. Renchérissait-il. Je ne comprend plus ce que vous dites. Vous êtes certain de ne pas vouloir vous allonger? Il occultait totalement les dernières paroles du brun, du moins faisait-il mine de le faire car ces menaces tournaient en boucle dans son esprit.

- J'ai cru vous entendre dire certaines choses qu'un Seigneur aimé et adulé de tous serait incapable de dire. Le jeune rougeois s'était tourné pour faire face au brun, pour plonger son regard de embrasé dans le sien, de braise. Il lui tenait tête avec le sourire, certes, avec son aplomb d'adolescent fragile et fluet. Effondre toi, meurs, convulse, étouffe toi, souffre. Mu'Awiya lui faisait froid dans le dos, il faisait remonter d'affreux souvenirs à la surface et maintenant Naifu l'avait compris les tyran tel que lui devait mourir seul et dans la souffrance.

- Vous n'aurez jamais la force de rien si vous ne vous reposez pas... Même en s'étant reposé, s'il était mourant comment pourrait-il faire payer son insolence à Naifu? Il n'était pas capable de quoique ce soit et plus les jours passaient plus il s'affaiblissait: Mu'Awiya se rapprochait des portes de la mort pour Naifu et il lui serait impossible de lui rendre ses paroles.

« Vous devez avoir beaucoup de fièvre. Je ne comprend plus ce que vous dites. Vous êtes certain de ne pas vouloir vous allonger ? J'ai cru vous entendre dire certaines choses qu'un Seigneur aimé et adulé de tous serait incapable de dire. » Et le petit lion orange avait osé lui faire face, plantant son regard dans le sien. Mu'Awiya reconnu quelque chose de familier dans la lueur qui embrasait le regard de feu de sa victime du jour.

Cependant, il sut rester de marbre, se contentant de l'écouter sans laisser paraître l'agacement qui l'envahissait. Il l'ignorait, il jouait au plus malin. Qu'il fasse ! De toute façon, Mu'Awiya savait qu'il n'échouerait pas face à ce gosse. Il savait qui dominait qui, ici.

« Vous n'aurez jamais la force de rien si vous ne vous reposez pas... » Osa-t-il.

Étrangement, ce ne fut pas la colère qui gagna une nouvelle fois le corps du mâle dominant, mais une sorte d'amusement, peut-être. Il voyait un enfant tenter de jouer aux grands, en face de lui. Cela le fit sourire en coin avec légèreté, soulignant cet aspect lunatique de sa personnalité chaotique.

« Personne n'a besoin de force pour détruire un être aussi faible que toi. » Souffla-t-il alors que, d'un pas tranquille, il passa à côté de lui. S'il était affaibli par la maladie, il savait tout de même qu'il était capable d'en finir avec Naifu d'un coup de croc si l'envie lui en prenait. Réaliste ? Nul ne le sait, Mu'Awiya se sur-estimait depuis toujours.

La discussion finie, le mâle tenta de repartir vers son camp, auprès de son clan.

RAGE

- Alors vous ne pouvez même pas prétendre être personne. Répondait l'insolent, bien trop sûr de sa victoire. À moins que vous ne soyiez encore plus faible que moi. Naifu avait accordé un dernier sourire angélique à Mu'Awiya, laissant transparaitre lorsque l'on ne faisait pas partie de la conversation, d'un échange cordial entre les deux lions. Le jeune rouquin avait regardé le tyran s'éloigner, les griffes enfoncé dans la terre sèche de la lande et le regard assassin. Qu'il crève, qu'on en finisse tous.

FIN