HRP; se déroule directement après le Rp d'arrivée.

Mu'Awiya et Nsiese étaient partis vers le territoire des rongeurs; Thulrur, Jiwa et Ienzo vers le maigre point d'eau. Ce n'était pas tant une scission du clan que le moyen le plus efficace de vérifier les ressources qu'ils avaient à disposition, et Thulrur arriva le premier près de l'énorme flaque stagnante qui représentait leur seule source d'eau... potable ? Il n'était même pas sûr. Il grimaça, assez déçu de cette triste découverte, et se tourna vers ceux qui l'avaient accompagné.
- Qu'est-ce que vous en pensez ? Vous oseriez y boire ? Lui, il trouvait que l'eau puait - mais il fallait dire qu'il n'était pas un expert en la matière. Les sources de son enfance étaient toutes des ruisseaux purs des montagnes - rien à voir avec les flaques brunes du monde d'en-bas. Il regarda les quelques arbres qui avaient poussé autour de la mare; des arbres épais et solides, mais aux troncs infestés de champignons et de mousse. Bon ou mauvais signe ? Le point d'eau lui-même semblait dépourvu de vie : pas un mouvement ne trahissait l'éventuelle présence de poissons, et aucun coassement de grenouille ne se faisait entendre.

Avant d'y tremper la langue, il faut vérifier que rien ne nous attend en dessous. Répondit-il à Thulrur, sans la moindre hésitation. Ienzo s'était figé à quelques pas de la rive, par instinct de prévention. Les eaux bleutées des cavernes ayant déjà été le nid de nombreuses menaces, toutes plus fourbes les unes que les autres, alors il n'était pas encore prêt à risquer une moustache dans les eaux brunes, leur surface trouble ne lui disant rien de bon. Par ailleurs, le silence qui entourait aussi bien le point d'eau que les racines des arbres à l'apparence maladive ne lui était pas plus rassurant, ou serait-ce l'absence de la mélodie des gouttelettes tombant du plafond des grottes pour s'échouer dans les profondeurs océaniques qui lui donnait cette impression ? Difficile à dire.
Je serais d'avis d'essayer de voir quelle profondeur ça fait. Il glissa un regard à ses camarades pour connaître leurs avis. L'idée pouvait sembler futile dans un premier temps, mais Ienzo était assez tombé dans les pièges des ravines marines pour savoir qu'un simple trou d'eau pouvait vous engloutir tout entier. Et ici, pas une différence dans la couleur de l'eau pour avertir du mauvais pas !

Comme il s'y attendait, Ienzo faisait preuve d'autant de prudence que lui. Mais Thulrur ne s'était inquiété que de la pureté de l'eau, pas de ce qu'elle pouvait cacher ! Une preuve de plus, s'il en fallait, que la force des Msafara résidait dans leur complémentarité; et, comme pour suivre l'indication de son compère, Thulrur recula d'un pas... au moment même où Jiwa s'engageait dans la mare sans aucune crainte. Certes, Ienzo avait suggéré d'en sonder la profondeur, mais ce n'était sûrement pas ça qu'il voulait dire !

Et pourtant... Jiwa était toujours là, sereine au milieu de la vase. Bon, eh bien, au moins, elle avait trouvé la solution la plus rapide et la plus efficace ! Quand soudain, un éclair frappa Thulrur : mais bien sûr ! Si elle se sentait si à l'aise à l'idée de s'aventurer là-dedans, c'était parce qu'elle connaissait ce milieu mieux que quiconque ! Il se souvenait l'avoir entendue murmurer au sujet de sa terre natale; une terre de marécages, ressemblant sans doute très fort à ce prétendu point d'eau.

- Eh bien, voilà qui est fait ! fit-il d'un air amusé en tournant le regard vers Ienzo. Si rien n'avait encore bouffé Jiwa, c'était que la mare devant être relativement sûre ! La lionne avait carrément fait d'une pierre deux coups ! Toujours rien à déclarer, Jiwa ? s'adressa-t-il à sa comparse en s'approchant à nouveau du bord de l'eau. Même s'il savait qu'il avait peu de chance de recevoir une réponse, ça ne l'empêchait jamais de parler à Jiwa et de la considérer comme une lionne normale. Qu'en dis-tu, Ienzo ? D'autres inquiétudes ? C'était étrange, de voir à quel point Thulrur méprisait l'avis de Mu'Awiya mais prenait toujours en compte celui de ses acolytes réfugiés. Il se sentait plus proche d'eux malgré leurs origines si différentes; mais, surtout, eux ne se prenaient pas pour des hauts-gradés. C'était cet esprit de camaraderie que Thulrur cultivait !

Capturant le regard du caverneux dès le premier pas, l'assurance de la sombre à s'engager dans les eaux boueuses lui provoqua un haussement de sourcils, sans qu'il ne tarde à les froncer à nouveau quand elle s'engouffra les quatre pattes dans la vase, attendant une quelconque réaction, même un mouvement de sa part, mais... Rien. Les oreilles allongées d'Ienzo se redressèrent dès l'instant où Jiwa tourna la tête vers eux, le sourire aux babines. Elle aussi, venait-elle d'une contrée aquatique pour avoir une telle aisance ? Malgré que la curiosité lui brûlât les babines, il se retint de questionner la lionne, se contentant de glisser une œillade amusée à Thulrur comme toute réponse.
S'avançant vers le bord de l'eau, il se mit à fixer les endroits où les pattes de sa camarade disparaissaient, une oreille tournée vers le mâle à ses côtés - dont la question, par ailleurs, en souleva une autre : le point d'eau était désert de vie ? La mine dubitative, il secoua négativement la tête pour répondre à la seconde question de Thulrur avant de poursuivre, sans quitter la couche de lichen des yeux.

Mais cela voudrait dire que le point d'eau est vide ? Il approcha son museau de l'eau, humant les effluves du mélange à la surface, puis redressa la tête. C'est étrange que même une seule grenouille ne s'y soit pas caché à notre arrivée, vous ne trouvez pas ? Et ce fut également décevant pour lui qui avait espéré quelques prises - même si ça n'aurait été qu'un ou deux poissons. À vrai dire, l'absence d'une quelconque vie autour de la mare l'alerta plus que la présence de potentiels dangers. Il lui semblait de plus en plus probable qu'elle ne soit pas buvable, mais peut-être que Jiwa n'était pas du même avis.

Relevant les yeux dans sa direction, Ienzo la questionna d'un haussement de sourcils.

Ienzo souleva encore une question bien pertinente: était-ce une bonne chose, que la mare boueuse soit ainsi dépourvue de vie? Thulrur n'en savait strictement rien: il n'y connaissait rien en batraciens et en poiscaille. Mais Jiwa semblait du même avis que le caverneux; pour preuve, elle ne tarda pas à quitter la vase qui devait pourtant lui rappeler son chez-elle.
- Je n'en sais rien, avoua Thulrur sans honte aucune. Est-il possible qu'elles se fassent décimer périodiquement? Par -je ne sais pas, moi !- un groupe d'échassiers qui s'arrêterait ici à chaque migration? Ça pouvait sembler tiré par la crinière, mais Thulrur n'était pas sûr d'admettre l'idée que l'eau puisse être dangereuse à la consommation. Après tout, ils n'avaient pas d'autre choix, dans l'immédiat. Il fallait que les Msafara se désaltèrent ici pendant la durée de leur étape sur Kupumzika! Et il n'osait pas imaginer qu'en le faisant, ils courent tous à leur perte.

Mais malgré son maigre essai d'optimisme, Thulrur n'était pas prêt à jouer sa survie à pile ou face.
- Enfin, dans tous les cas... Les suppositions ne servent à rien, se résigna-t-il. Il n'aimait pas l'idée de s'éloigner si tôt de leur lieu de repos, mais ils n'avaient pas vraiment le choix - ce n'était pas Mu'Awiya qui aurait l'idée de vérifier l'état de leur ressource la plus importante! Je suppose qu'on aura besoin de volontaires pour partir en éclaireur et trouver mieux, si mieux il y a. Et franchement, Thulrur ne faisait pas assez confiance aux autres Msafara pour leur confier une tâche aussi importante. Mais pour autant, il ne voulait pas avoir l'air de forcer ses deux collègues de galère.

Il soupira.
- Bon. J'irai jeter un coup d’œil aux alentours dès demain matin. Mais aujourd'hui, c'était repos.

Le retour de Jiwa sur la berge confirma les soupçons d'Ienzo, faisant naître une petite grimace de mécontentement sur le visage de celui-ci. Si la faim était supportable jusqu'à un certain point, la soif, en revanche... Il fallait qu'ils trouvent une nouvelle source d'eau, le plus tôt possible. Peut-être que la mare pourrait être un point de départ ? Croisant le regard perplexe de la sombre lionne, il lui adressa un froncement de sourcils pour lui indiquer qu'ils étaient sur la même longueur d'ondes, lorsque Thulrur émit une intéressante hypothèse. Décimer par... des échassiers ? Qu'était-ce ? La tête du caverneux tilta sur le côté, mais il ne demanda pas : qu'importe l'animal dont il était question, c'était plus que probable qu'elles se fassent moins nombreuses à certaines périodes... Mais, au point d'en laisser une mare vide ?

Le brin d'optimiste du montagnard fit naître un sourire à la commissure de ses babines, tout de même rassuré de voir qu'il était résigné à laisser les eaux troubles en paix. Il n'avait pas envie de le trouver malade - ni lui, ni Jiwa. D'un hochement de tête, il approuva les sages paroles de son acolyte et aussitôt, il ajouta. Je viendrais avec toi. Hors de question de laisser l'un des éléments forts du clan s'aventurer en solitaire dans un territoire inconnu. Ou peut-être, qu'il était simplement hors de question pour le caverneux de laisser un des lions qu'il appréciait de plus en plus, partir pour possiblement ne jamais revenir.

Mais ça, il le gardait pour lui.