" On devrait se concentrer sur la recherche d'un point d'eau. Les proies ont besoin de boire aussi, après tout. Il nous suffirait de remonter les pistes laissées par les animaux qui s'y sont attardés pour, peut-être, mettre la patte sur des terres fertiles. Non ? " Et Mu'Awiya était on ne peut plus d'accord quant à la proposition de son amie d'enfance. Après tout, c'était là le plus urgent puisqu'au delà du besoin pressent de nourriture, si l'un d'eux se retrouvait blesser, l'eau potable serait un premier secours.

Il se contenta d'un hochement de tête pour lui signifier son accord, tâchant d'oublier que sa langue le gênait et, continuant de marcher, il prêta plus ample attention à son environnement qui commençait, d'ailleurs, à ce faire de plus en plus visible.
C'est là qu'il entendit un sifflement. Le lion s'arrêta brutalement, peut-être trop pour ses camarades derrière lui. Aux aguets, sur la défensive à cause de sa morsure précédente, il plaqua les oreilles contre son crâne et, doucement, se pencha. La brume commençait à se faire moins dense, aussi, espérait-il apercevoir ce qui se cachait sous l’épais tapis de plantes, dans les recoins de ce champ aux diverses buttes.

Les muscles bandés, il était prêt à réagir vivement au moindre danger.

La brume se lève peu à peu. Elle en serait sûrement heureuse, Nihahsah, si les malheurs des mômes envoyés en exploration par Mu'Awiya ne lui revenaient pas aussi souvent en mémoire. Pourquoi ? Eh ben... La purée de pois encombre la vue. La leur, évidemment, mais aussi celle d'un possible ennemi. Mais les voilà désormais presque à découvert. L'idée lui arrache un sourire tremblant, mal assuré. Son souffle est court.

Ses oreilles convulsent soudainement sur son crâne. Elle est presque sûre d'avoir perçu quelque chose ; une chose qui peine à lui parvenir, écrasée par le concert des énormes pattes du chef d'expédition qui malmènent les branches. Elle manque de perdre le murmure une première fois, puis une seconde ; ce qui la pousse à s'immobiliser en sollicitant chacun de ses sens. Une aubaine quand on sait que — quelques secondes après seulement — Mu'Awiya pile sans prévenir.

Ses prunelles passent du paysage coloré de rose à la croupe du mâle. Il serre les fesses. Dans sa vie passée, Nihahsah se serait sûrement marrée. Ouais. Avant. Quand le pire qui pouvait leur arriver consistait à marcher dans une bouse devant public. Elle fronce les sourcils, ouvre la bouche pour lui demander ce qu'il a, puis soupire.

- Tu as l'intention de décapiter toute la famille du serpent de tout à l'heure ? (Sa voix rauque laisse filtrer de l'impatience.) Laisse-le, quoi que ça puisse être. Je veux aller par là-bas, de toute façon. Il y a du bruit. Je crois. Quelqu'un d'autre l'a entendu, non ? Ou c'est ce pays qui me rend cinglée ?

Elle envoie un regard vers Cerys en reculant très doucement. Son but ? Laisser assez de place à Mu'Awiya pour qu'il puisse en faire de même. Avec un peu de chance, l'animal qui l'a obligé à s'arrêter se calmerait seul et ils pourraient s'oublier mutuellement. Elle décide d'avancer la première sur le nouveau chemin. Étant plus légère que son congénère de l'autre sexe, son poids alerterait peut-être moins les résidents des sols. Ou pas.

- Quelqu'un surveille le ciel de temps en temps, hein ? (Elle se concentre sur ses déplacements. Elle avance plus doucement que Mu'Awiya, surtout que ses yeux balayent régulièrement l'horizon à la recherche de déplacements suspects.) C'est quoi, d'après vous ?

- [...] Laisse-le, quoi que ça puisse être. Je veux aller par là-bas, de toute façon. Il y a du bruit. Je crois. Quelqu'un d'autre l'a entendu, non ? Ou c'est ce pays qui me rend cinglée ?

Cerys était jusqu'à présent restée silencieuse, les yeux rivés sur l'horizon, ou de moins celui que la brume lui permettait de dinguer. Oui, elle aussi avait bien entendu quelque chose, un sifflement, ou plutôt un murmure. Un murmure qui d'ailleurs lui semblait étrangement familier. Les oreilles dressées, l'adolescente ne cessait de les orienter dans une direction, puis dans une autre, afin d'essayer d'identifier la provenance de ce son. Soudain, ses souvenirs lui reviennent en mémoire.

- Tu es sûr que c'est un animal ? Ce murmure me rappelle une mélodie que je pouvais entendre lorsque je vivais encore dans les montagnes, lorsqu'à la fonte des neiges, de minces filets d'eau ruisselaient doucement le long des parois rocheuses pour rejoindre la vallée.

La jeune lionne se passa la langue sur les babines avec envie. Quelques gorgées d'eau fraiche n'auraient pas été de refus. Certes il n'y avait pas de neige ici, mais il n'était pas impossible qu'une source se cache quelque part sous cet amas de verdure.

Croyant avoir identifié l'origine du murmure sur sa gauche, Cerys décida de faire quelques pas hors du chemin tracé par Mu'Awiya avant de s'immobiliser. Les yeux cette fois-ci rivés sur la mer végétale, la jeune lionne se tenait immobile. Tous ses sens en alerte. Si un cours d'eau, aussi infime soit-il se cachait sous ce tapis végétal, elle ne pourrait pas le distinguer. En revanche, la végétation lui donnerait peut-être quelques indices lui permettant de trouver cette eau miraculeuse (une végétation plus dense ou plus verdoyante autour de la source d'eau par exemple).

Mu'Awiya n'était pas habitué aux landes, aux serpents et au terrain si complexe. Il ne savait pas quels étaient les bon réflexes ni même comment avancer correctement dans une terre où l'on ne voyait simplement pas le sol. Heureusement pour lui, alors qu'il s'apprêtait à se jeter une nouvelle fois au devant de la mort, Nihahsah l'arrêta. Le mâle gronda, mais il se redressa préférant l'écouter que de se montrer une nouvelle fois stupide.
Un murmure ? Il n'avait rien entendu de tel. Mais il croyait les deux femelles et suivit du regard la plaine devant eux, cherchant une créature pouvant pousser ce murmure.

" Tu es sûr que c'est un animal ? Ce murmure me rappelle une mélodie que je pouvais entendre lorsque je vivais encore dans les montagnes, lorsqu'à la fonte des neiges, de minces filets d'eau ruisselaient doucement le long des parois rocheuses pour rejoindre la vallée. " Demanda alors Cerys.

Et elle avait raison. Tous le virent certainement, Mu'Awiya en écarquilla les yeux. Un arbutre bien trop nourrit comparé aux autres se dessinait au loin et, bien que l'on ne puisse le voir, un ruisseau se dessinait tout contre lui. Le mâle esquissa un sourire, il glissa son regard sur la petite adolescente et, comme si son approbation pouvait compter pour elle, il chantonna :

" Félicitation ! Tu viens peut-être de sauver notre troupe. " Mais à présent, il fallait rentrer. Il fallait affronter de nouveau la désapprobation générale pour tâcher de glisser cette bonne nouvelle - qui n'en était qu'à moitié une vu la population alarmante de serpents. Sans attendre, le chef rebroussa chemin, se dirigeant vers le petit coin qui leur servait à présent de campement.
Pour s'en aller de là, encore faudrait-il avoir une terre viable où s'installer...

Cerys n'arrivait pas à en croire ses yeux. Oui, c'était bel et bien un mince filet d'eau qui s'écoulait paresseusement le long d'une paroi rocheuse. Sentant un vague de joie, mais également de fierté envahir sa poitrine, la jeune lionne laissa échapper une exclamation de joie. Oubliant toute prudence, elle bondit alors en avant et parcouru la distance qui la séparait du précieux liquide.

Les pattes avant immergées de quelques centimètres dans l'eau, Cerys observait son reflet, le museau suspendu à quelques centimètres de la surface de l'eau. Celle-ci semblait limpide et ne dégageait pas l'odeur suspecte de la marre boueuse autour de laquelle la troupe s'était installée. Cependant, Cerys n'était pas la lionne la plus qualifiés des Msafaras en matière d'eau. L'expertise de Jiwa ou d'un autre lion connaissant la lande ou les marrais serait la bienvenue avant de crier victoire.


" Félicitation ! Tu viens peut-être de sauver notre troupe. "

La voix de Mu'Awiya retentit alors dans son dos. Cerys releva la tête, la mine réjouie. Elle n'était pas peu fière d'avoir réussi à se distinguer et ravie de constater que ses déductions n'étaient pas passées inaperçues aux yeux du leader Msafara.

- C'est le résultat de nos efforts combinés. Il faut croire que nous formons une bonne équipe.

Cerys posa son regard enjoué sur Niha', qui elle aussi avait pressenti la présence de l'eau, puis se tourna vers Mu', dont la carrure et le rugissement avaient réussi à dissuader le rapace de passer à l'attaque. Une nouvelle preuve aux yeux de Cerys que les Msafaras étaient capables de bien des choses s'ils se décidaient à unir leurs forces.